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Dans cette étude espagnole, les chercheurs ont recherché les facteurs périnatals susceptibles de favoriser la survenue d’une allergie aux protéines du lait de vache, médiée par les IgE spécifiques à ces protéines.

Il s’agit d’une étude observationnelle cas-témoins.

  • Le groupe cas comprend tous les patients ayant été diagnostiqués avec une allergie aux protéines du lait de vache (APLV) IgE médiée dans la première année de vie entre juin 1990 et juin 2013. Ils présentaient tous un profil classique du tableau d’APLV  (choc anaphylactique, urticaire, angio-œdème, syndrome péri-oral, dermatite atopique, vomissement, diarrhée, régurgitation, toux spasmodique, rhinite allergique, otite ou autres symptômes compatibles) et présentaient des IgE spécifiques aux PLV au dessus du seuil de 0,35kU/L. Le diagnostic était confirmé par un test de provocation positif, excepté dans les cas où ce test était contrindiqué ou si les patients présentaient des niveaux d’IgE très élevés supérieur à 2,4 kU/L. Les patients présentant une maladie digestive chronique et ceux qui avaient déjà suivi un traitement contre l’allergie n’ont pas été inclus.
  • Le groupe témoin, apparié sur le sexe et l’âge était issu du même type de population, en bonne santé, et recruté par questionnaire dans les écoles et les centres de santé. Les sujets de ce groupe étaient tolérants à une consommation quotidienne de produits laitiers, et n’avaient pas d’antécédent d’APLV.  

Les mêmes variables ont été collectées pour les deux groupes par questionnaires ou dans les dossiers médicaux en juin 2015. La moyenne d’âge des patients étaient de 14,41 +/-5,42 ans.

Au total

  • 221 patients ont été inclus, 60,7% de garçons et 39,3% de filles.
  • L’âge au diagnostic était de 5,07+ 2,67 mois.
  • Les 221 sujets témoins ne montraient aucune différence statistique pour l’âge et le sexe.

Résultats et discussion par les auteurs

L’analyse multivariée a montré une forte association entre apparition d’une APLV et consommation de compléments de lait infantile à la maternité [OR 4,94 (2,68 – 9,08) ; p< 0,001] , ainsi qu’une association très forte entre naissance par césarienne, consommation de compléments de lait infantile et apparition d’une APLV [OR 11,62 (2,84 – 47,5) ; p= 0,001.]

Parmi les patients avec APLV, 73,6% avaient reçu des compléments contre seulement 17,9% dans le groupe témoin.

Une durée d’allaitement inférieure à 1 mois ou comprise entre 4 à 6 mois était associée à un risque plus élevé d’APLV, tandis qu’une durée entre 1 et 4 mois ne montrait pas de différence significative avec la situation de référence d’un allaitement >6 mois.

Dans cette étude, la durée de l’allaitement apparaît comme une variable fortement influente en ce qui concerne la survenue d’une APLV. L’allaitement était plus long dans le groupe témoin, et le risque d’apparition d’une APLV était plus faible en cas d’allaitement d’une durée supérieure à 6 mois. Différents facteurs tels que les bénéfices de l’allaitement maternel, le timing d’introduction des protéines du lait de vache ainsi que la maturité des systèmes digestif et immunitaires pourraient expliquer les résultats retrouvés dans l’étude quant à l’influence de la durée de l’allaitement sur la survenue d’une allergie au cours de la première année.

La prématurité étant par contre inversement associée à l’APLV, [OR 0,29 (0,09 – 0,92) ; p=0,037] ; elle apparaît comme un facteur protecteur contre l’APLV. Seulement 4,3% des patients présentant une allergie étaient nés prématurément contre 13,2% dans le groupe témoin. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que chez l’enfant prématuré, le système immunitaire n’est pas suffisamment efficient pour générer des réactions médiées par les IgE dans le tractus digestif.

Dans cette étude, les antécédents familiaux d’allergie n’étaient pas un facteur de risque.

Il apparaît au travers des résultats que la survenue d’une APLV au cours de la première année semble avoir une origine « iatrogénique », plutôt qu’être en lien avec un risque génétique élevé ou une histoire allergique familiale.

Les limites de l’étude sont liées à sa méthodologie rétrospective : biais de mémorisation pour certaines variables (note des rédacteurs : en particulier pour les durées d’allaitement, la moyenne d’âge au moment de l’étude étant de 14 ans), biais de sélection pour les témoins, période de recrutement des cas sur 23 ans. Certains facteurs de confusion en lien avec la durée de l’allaitement n’ont pas été pris en compte (niveau socio-économique, niveau d’éducation).

La conclusion des auteurs

L’administration isolée au cours des premiers jours de vie de complément de lait infantile est un facteur de risque clé dans le développement de l’APLV, spécialement en cas de naissance par césarienne, et devrait être évitée.

L’allaitement maternel prolongé apparaît comme un facteur protecteur et devrait être, par conséquent, encouragé.

Auteurs : Marie-Claude Marchand et Laurence Girard