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La question de révision de cette revue de la littérature, parue en Octobre 2018 dans la Cochrane Database Systematic reviews, était :

L’alimentation des nourrissons au moyen d’une préparation contenant des protéines hydrolysées réduit-elle le risque de développer une maladie allergique comme l’asthme, la dermatite/eczéma, le rhume des foins et les allergies alimentaires pendant la petite enfance et l’enfance ?

Contexte général de la question

Les maladies allergiques pèsent lourdement sur la santé des nourrissons, des enfants et des adultes.

L’alimentation peut influencer précocement le développement d’une maladie allergique.

Lorsque les bébés ne sont pas exclusivement allaités,  on peut espérer que l’utilisation d’une préparation contenant un hydrolysat de protéines – les protéines sont alors décomposées en protéines plus petites, potentiellement moins allergènes-  pourrait réduire les maladies allergiques chez les bébés et les enfants, comparée à l’utilisation d’une préparation classique 1er âge.  De fait, les préparations pour nourrissons contenant des protéines hydrolysées, partiellement ou totalement ont été largement préconisées pour prévenir les maladies allergiques chez les nourrissons, à la place des préparations standard à base de lait de vache. Toutefois, il n’est pas clair si les données probantes des essais cliniques le justifient.

Les objectifs ont été de :

  • Comparer les effets pour les nourrissons de recevoir une préparation contenant un hydrolysat de lait de vache par rapport à une préparation classique ou du lait humain.
  • Si les préparations hydrolysées présentaient une efficacité, déterminer quel type de préparation hydrolysée est le plus efficace, préparations  partiellement hydrolysées ou hydrolysat poussé.
  • Déterminer si les préparations hydrolysées présentaient un bénéfice chez les nourrissons ayant un risque faible ou élevé de maladie allergique et chez ceux recevant des préparation à court terme, dans les jours suivant la naissance.

La méthode de recherche employée par les auteurs a été d’identifier des données dans le Registre central des essais contrôlés de Cochrane (CENTRAL 2017, numéro 11), dans MEDLINE (1948 au 3 novembre 2017) et dans Embase (1974 au 3 novembre 2017).  Ils ont également effectué des recherches dans les bases de données d’essais cliniques, les actes de conférences et les listes de références d’articles extraits et de revues antérieures pour les essais contrôlés randomisés et les essais quasi randomisés.

Critères de sélection

Ils ont sélectionnés des essais randomisés et quasi-aléatoires comparant l’utilisation d’une formule hydrolysée au lait maternel ou à une préparation classique ne contenant pas d’hydrolysat.

Collecte et analyse des données

Les auteurs de cette métanalyse ont choisi les essais de façon indépendante, évalué la qualité des essais et extrait les données des études incluses. Des analyses à effets fixes ont été effectuées. Les effets du traitement ont été exprimés sous forme de rapport de risque (RR) et de différence de risque (RD) avec des intervalles de confiance à 95 % et la qualité des données probantes en utilisant l’approche de qualité des données de GRADE. Le principal résultat retenu concernaient toutes les maladies allergiques (y compris l’asthme, la dermatite atopique, la rhinite allergique et l’allergie alimentaire).

Les principaux résultats :

Au total, 16 études ont été incluses.

  • Deux études ont évalué l’effet d’une supplémentation de trois à quatre jours avec un hydrolysat poussé chez le nouveau-né hospitalisé après la naissance par rapport à une alimentation au lait humain pasteurisé. L’une de ses études portant sur 90 nourrissons n’a fait état d’aucune différence dans toutes les maladies allergiques (RR 1,43, IC à 95 % : 0,38 à 5,37) ou toute maladie allergique spécifique jusqu’à l’enfance, y compris l’allergie au lait de vache (RR 7,11, IC à 95 % : 0,35 à 143,84). L’autre étude n’a fait état d’aucune différence dans la survenue d’une allergie au lait de vache du nourrisson (RR 0,87, IC à 95 % : 0,52 à 1,46 ; participants = 3559). La qualité des données probantes a été jugée très faible.
  • Aucun essai admissible n’a comparé l’utilisation prolongée de préparation hydrolysée par rapport à l’alimentation au lait maternel humain.
  • Deux autres études ont évalué l’effet d’une supplémentation infantile de trois à quatre jours entre un hydrolysat poussé et une préparation pour nourrisson classique. L’une de ses 2 études portant sur 90 nourrissons n’a fait état d’aucune différence pour toutes les maladies allergiques (RR de 1,37, IC à 95 % : 0,33 à 5,71 ; participants = 77) ou toute maladie allergique spécifique, y compris l’Allergie au lait de vache , jusqu’à l’enfance. L’autre étude a fait état d’une réduction de l’allergie au lait de vache du nourrisson de significativité limite  (RR 0,62, IC à 95 % : 0,38 à 1,00 ; participants = 3 473). La qualité des données probantes a été jugée très faible.
  • Douze études ont évalué l’effet d’une alimentation prolongée du nourrisson avec une préparation hydrolysée par rapport à une préparation classique. Les données n’ont montré aucune différence dans toutes les maladies allergiques chez les nourrissons (RR typique 0,88, IC à 95 % 0,76 à 1,01 ; participants = 2852 ; études = 8) et les enfants (RR typique 0,85, IC à 95 % 0,69 à 1,05 ; participants = 950 ; études = 2) et aucune différence dans toute maladie allergique spécifique incluant l’asthme du nourrisson (RR type 0,57, IC à 95 % 0,31 à 1.04 ; participants = 318 ; études = 4), l’eczéma (RR typique 0,93, IC à 95 % 0,79 à 1,09 ; participants = 2896 ; études = 9), la rhinite (RR typique 0,52, IC à 95 % 0,14 à 1.85 ; participants = 256 ; études = 3), l’allergie alimentaire (RR typique 1,42 ; IC, 95 % : 0,87 à 2,33 ; participants = 479 ; études = 2) et l’allergie au lait de vache (RR 2,31 ; IC, 95 % : 0,24 à 21,97 ; participants = 338 ; études = 1). La qualité des données probantes a été jugée très faible.

Les conclusions des auteurs :

  • Ils n’ont trouvé aucune preuve à l’appui d’une alimentation à court terme ou prolongée au moyen d’une préparation hydrolysée comparativement à l’allaitement exclusif au sein pour la prévention des maladies allergiques. Des données de très faible qualité indiquent que l’utilisation à court terme d’un hydrolysat poussé comparativement à une préparation classique pourrait prévenir l’Allergie au Lait de Vache chez les nourrissons. D’autres essais sont recommandés avant la mise en œuvre de cette pratique.
  • Ils n’ont également trouvé aucune preuve à l’appui d’une alimentation prolongée avec une préparation hydrolysée comparativement à une préparation classique pour la prévention des maladies allergiques chez les nourrissons qui ne peuvent être nourris exclusivement au sein.

Auteur : Laurence GIRARD