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Voici le premier essai randomisé contrôlé, de grande ampleur, incluant 100 mères porteuses de lésions du bout de sein, traitées soit par lanoline, soit par lait maternel et coupelles d’allaitement, ayant pour objectif de déterminer les effets des deux différents traitements proposés sur la guérison du traumatisme du mamelon et la douleur des mères au cours de la tétée.

Le contexte :

Dans les premières semaines d’allaitement, l’incidence des traumatismes du mamelon varie entre 15,9% et 62,9% (Sousa 2016, Thompson 2016, Santos 2016)  , et l’incidence des douleurs de mamelons varie de 36 à 39% ( Kent 2015, Buck 2014). Ceci est une grande source d’insatisfaction pour les mères mais aussi d’arrêts précoces d’allaitement de façon non souhaitée.

Comment guérir ces lésions a rarement fait l’objet de publications par le passé et une seule revue systématique de la littérature existe sur ce sujet, comportant seulement 6 essais cliniques. De plus, ces essais ont été menés sur des effectifs restreints et ont abouti à des résultats non significatifs concernant la meilleure stratégie à adopter face aux lésions du mamelon. Nonobstant ces limites, des résultats positifs ont été obtenu pour la guérison des traumatismes du bout de sein en utilisant de la lanoline seule ou en la combinant avec l’utilisation de coupelles d’allaitement,  et en utilisant seulement du lait aussi. Cependant aucune n’a comparé les effets de la lanoline avec ceux du lait combiné à l’utilisation de coupelles d’allaitement.

Le lait maternel est un traitement naturel qui favorise la guérison, mais peut nécessiter une longue période de traitement. Il contient des facteurs bio-actifs qui agissent au travers de mécanismes anti-microbiens et anti-inflammatoires pour stimuler et moduler le développement de la fonction immunitaire et favoriser la croissance et le développement des tissus lactants. Ses facteurs protecteurs expliquent l’action du lait maternel sur la guérison des lésions. La comparaison avec la lanoline au travers de deux essais randomisés a produit des résultats contradictoires. Toutefois ces différents essais cliniques n’ont pas évalué si la guérison était due à l’utilisation de la lanoline, des coupelles d’allaitement ou du lait maternel.

Les méthodes de l’étude :

100 mères ont été incluses de façon randomisée dans 2 groupes, qui ont été suivies pendant 10 jours, par une infirmière spécialisée, évaluant quotidiennement l’état de leurs mamelons et leur niveau de douleur

  • Groupe 1 : 50 mères étaient traitées avec de la lanoline. Après s’être lavé les mains, les mères appliquaient une fine couche de lanoline sur la plaie de leur mamelon et leur aréole, du bout de leurs doigts et attendaient approximativement 1 minute avant de remettre leur soutien-gorge. elle répétaient la procédure après chaque tétée et avaient pour instruction de ne pas se laver les mamelons avant la tétée.
  • Groupe 2 : 50 mères étaient traitées avec du lait maternel et des coupelles d’allaitement. Après s’être lavé les mains, les mères appliquaient 3 à 4 gouttes de lait maternel sur la zone abîmée et sur l’aréole, ensuite une coupelle d’allaitement avec une base souple était positionnée sur le sein, et le soutien gorge était remis en place. La procédure était réitérée pour chaque tétée. Les mères avaient pour instruction de ne pas se laver les mamelons avant la tétée et d’ôter les coupelles d’allaitement au cours de la tétée.

Les lésions du mamelon ont été évalués à l’aide du Nipple Trauma Score (Abou-Dakn 2011) et sur la profondeur et l’extension de la plaie. Le mamelon était considéré comme guéri quand le score était de 0. Les causes de lésions n’ont pas été évaluées dans cette étude.

L’intensité de la douleur de chaque mamelon/aréole a été évaluée en utilisant une échelle de cotation numérique allant de 0 (absence de douleur ) à 10 ( douleur la plus intense que la personne puisse imaginer). Le score de douleur obtenu le premier jour a servi de score de base.

La qualité de la douleur a été évaluée en utilisant le questionnaire de douleur de McGill (Melzack 1975) et l’évaluation de la qualité de la douleur s’est appliquée à déterminer si a douleur était coupante, lancinante, avec des picotements, des brûlures, etc …

Dermatites et eczéma de contact ont également été évalués et considérés comme des effets secondaires non souhaités.

Les résultats :

Le début du traitement était instauré environ 2,2 jours après le diagnostic (soit 3, 2 jours de post-partum)  pour le groupe lanoline et environ à 2,4 jours après le diagnostic (soit 3,8 jours de post-partum) pour le groupe lait maternel & coupelles d’allaitement.

Le Nipple Trauma Score avant l’intervention n’était pas différent entre les deux groupes. Au cours de l’intervention, il a décru pour les deux groupes, mais de façon plus rapide dans le groupe lait maternel & coupelles d’allaitement. Au 3ème jour de traitement, une différence significative das le Nipple Trauma Score est apparu en faveur du groupe lait maternel, qui s’est maintenu au 5ème et au 10 ème jour, où le score était proche de 0 à ce moment là.

L’intensité moyenne de douleur de la zone mamelon/aréole reportée par les participantes à l’étude n’était pas différente sur le score de base entre les deux groupes, ou lors du 3ème jour de traitement. Cependant, l’intensité moyenne de douleur s’est avérée plus faible dans le groupe lait maternel & coupelles d’allaitement, comparé au groupe lanoline.

La fréquence de guérison a augmenté au cours de l’intervention. Toutefois, la fermeture complète des lésions est survenue plus rapidement dans le groupe traité au lait maternel & coupelles d’allaitement.

Il y avait également une différence significative d’effets secondaires non souhaités entre les deux groupes :

2% des femmes sous lanoline ont développé une macération de la zone mamelon/aréole

10% des femmes du groupe lait maternel & coupelles d’allaitement ont développé un érythème dans la région en contact avec la coupelle d’allaitement.

La discussion de leurs résultats par les auteurs :

Ces résultats contredisent d’autres études antérieures sur la supériorité de la lanoline sur le lait maternel, utilisé ici avec des coupelles d’allaitement ce qui a sans doute contribué au plus grand succès du traitement, qui permettent d’une part de mettre à distance du frottement le bout de sein lésé tout en fournissant une aération utile à la guérison.

De plus, il semblerait que la lanoline ait été moins bien accepté par les femmes car 8% d’entre elles ont cessé de se traiter, car elles traouvainet déplaisant que la lanoline adhère à la peau ainsi qu’aux vêtements. De plus, quelques cas de macération sont survenus dans le groupe lanoline, qui dans certains cas ont aggravé les lésions. D’un autre côté, certaines femmes utilisant les coupelles d’allaitement ont développé un érythème dans la région de contact avec la coupelle. Bien que cette complication ait été plus souvent observée,  elle est considérée par les auteurs comme un effet adverse qui n’a pas conduit à la cessation du traitement ou à une aggravation des lésions.

Il est important de noter que les femmes utilisant les coupelles d’allaitement suivent les recommandations de bien vider et laver avec du savon ( et bien les rincer) les coupelles d’allaitement lors de chaque tétée afin d’éviter la survenue d’un développement bactérien ou fungique.

En regard du coût du traitement, les coupelles sont plus onéreuses mais peuvent être réutilisées tout au long de la période d’allaitement.

Les limites de l’étude sont, selon les auteurs, l’absence d’application en aveugle et que l’étude ne s’est déroulée que sur 10 jours.

Les implications cliniques sont selon les auteurs, que les deux traitements sont efficaces à la fois sur les lésions et sur la douleur. Un traitement précoce, combiné à une guidance sur l’allaitement avec une consultation tous les 5 jours au cours du traitement, devrait faire partie des routines de soins d’une femme présentant des lésions du mamelon. Les professionnels accompagnant des femmes allaitant ont besoin de promouvoir l’utilisation du lait maternel, qui est naturel, sans coût supplémentaire, très facilement accessible et « durable ».

La conclusion des auteurs :

Le traitement des lésions du mamelon avec du lait maternel et des coupelles d’allaitement devrait être adopté par les professionnels de santé.

Auteur : Laurence Girard