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L’objectif de cette étude a été d’évaluer les effets à long terme de la Méthode Mère Kangourou – MMK, sur les fonctions attentionnelles et cognitives de jeunes adultes, nés de petits poids de naissance.

Les enfants ont été assignés, de façon randomisée à la naissance, dans un des deux groupes d’intervention :

  • groupe Méthode Mère Kangourou :
  • groupe soins conventionnels en incubateur

et des test cognitifs ont été réalisés lorsqu’ils ont atteint l’âge adulte entre 19 et 21 ans.

Le auteurs rappellent en préambule que selon l’OMS la naissance de petit poids c’est à dire d’un poids inférieur ou égal à 2500g ou prématurés avant 37 SA est une priorité de santé publique sur le plan mondial et concerne 1 naissance sur 10. La diminution de mortalité de ces enfants a diminué grâce aux avancées médicales récentes, mais leur nombre a augmenté, ce qui a contribué à l‘émergence d’une nouvelle réalité préoccupante ( Beck et al. 2010). En effet, si les avancées médicales ont diminué avec succès la mortalité périnatale et l’incidence des handicaps majeurs associés à la prématurité, des déficits attentionnels et intellectuels durant l’enfance et l’adolescence peuvent persister et interférer avec leurs compétences académiques ou professionnelles (Jong et al. 2012).

La Méthode Mère Kangourou est administrée à un moment considéré comme charnière du développement du cerveau ( 3ème trimestre de gestation). C’est au cours de cette période que plusieurs processus biologiques impliqués dans l’intégrité des fonctions cognitives peuvent être compromis par la prématurité tels que : intégrité anatomique et fonctionnelle des structures corticales et sous-corticales, stabilisation des circuiteries neuronales, en particulier au niveau des circuits fronto-thalamo-striatiques, impliquant le fonctionnement de l’attention. De plus, la déprivation du contact physique avec leur mère peut aussi produire des altérations physiologiques contribuant aux difficultés cognitives.

En premier, la séparation d’avec sa mère pourrait entrainer chez le bébé une augmentation de la mort cellulaire programmée (apoptose), un phénomène auquel les neurones sont particulièrement sensibles au cours de la période post-natale (Bhutta et al. 2002). En second, les expériences douloureuses ( procédures médicales et de soins, exposition aux éclairages intenses et aux bruits) pourraient cause un relargage excessifs d’acides aminés conduisant à des dommages neuronaux (Anand & Scalzo, 2000). Sur le plan comportemental, ces expériences peuvent conduire à une rupture dans l’activation des cycles physiologiques, altérer le fonctionnement de l’axe hypothalmamo-hypothysaire-surrénalien et être associées à des difficultés d’auto-régulation. La proximité physique d’avec la mère joue un rôle bien démontré dans la régulation des états d’éveil, de sommeil et de récupération, ce qui est essentiel dans les processus physiologiques et comportementaux et a un lien avec le développement des fonctions cognitives au cours de l’enfance et de l’adolescence.

La Méthode Mère Kangourou peut aussi apporter une aide substantielle au développement cognitif en fournissant au bébé des stimulations multisensorielles adaptées à la sensibilité du bébé, tout en l’aidant à canaliser les stimulations en provenance de son environnement. Cette hypothèse a été assez bien soutenue par des récentes études portant sur le développement cognitif et neurologique d’adolescents ayant bénéficié de la Méthode ( Feldman, Rosenthal & Eidelman 2014; McAnulty et al. 2010, Schneider, Charpak, Ruiz-Pelaez & Tessier 2012).

Toutefois, aucune étude n’a établi jusqu’à présent des bénéfices de la Méthode Mère Kangourou jusqu’à l’âge adulte en comparaison aux soins conventionnels.

C’est l’objet de cette étude, qui fait l’hypothèse que la Méthode Mère Kangourou pourrait être associée à des performances cognitives plus grandes, en particulier pour les individus ayant montré à l’âge de 6 mois une plus grande vulnérabilité neurologique.

L’étude a porté au total sur 300 jeunes adultes, 160 ayant bénéficié de la Méthode Mère Kangourou et 140 des soins conventionnels et a mesuré le fonctionnement intellectuel ( QI) et le soutien attentionnel.

Les résultats cognitifs obtenus sont en faveur du groupe Méthode Mère Kangourou, lorsque les enfants avaient 12 mois, ont persisté à l’âge adulte.

L’influence de la Méthode Mère Kangourou doit cependant être modulée par le statut neurologique de l’enfant à l’âge de 6 mois.

 

En effet, les bénéfices de l’intervention MMK sur les fonctions cognitives sont évidents seulement pour les individus ayant été catégorisés comme ayant un statut neurologique anormal à 6 mois d’âge. Dans le groupe de soins conventionnels, les participants qui présentaient un statut neurologique anormal à 6 mois ont un QI inférieur, alors que le statut neurologique à 6 mois n’a pas d’influence sur les performances cognitives de ceux du groupe MMK. Des résultats similaires ont été établis en ce qui concerne le soutien attentionnel.

Ces résultats suggèrent que la Méthode Mère Kangourou pourrait permettre un « rattrapage » développemental et pourrait bénéficier aux enfants les plus neurologiquement vulnérables. Ce qui pourrait s’expliquer par le fait que la MMK fournit aux enfants un environnement plus adapté à l’hypersensibilité sensorielle des enfants nés prématurément.

Conclusion des auteurs :

Cette étude montre un effet positif de la Méthode Mère Kangourou sur les fonctions cognitives  encore à l’âge adulte pour des d’individus nés prématurément avec un petit poids de naissance ayant montré des vulnérabilités neurologiques rapidement après la naissance. Elle souligne la nécessité d’interventions périnatales précoces, spécialement chez les enfants présentant un haut risque de développer des difficultés cognitives plus tard dans la vie.

Auteur : Laurence GIRARD