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Cette étude de cohorte prospective, 516 nouveau-nés que les mères avaient l’intention d’allaiter, hospitalisés dans 2 unités de soins néonatals, en France (Type II et type III) étaient inclus; les nouveau-nés recevant précocement dans les 7 premiers jours de vie, du lait frais et cru de leur mère, ont été comparés à ceux n’en recevant pas.

L’association entre l’utilisation du lait de la propre mère du bébé au cours de la première semaine de vie et la poursuite de l’allaitement, au moment de la sortie et six mois plus tard, a été analysée; ainsi que le degré de satisfaction des mères.

Les mères tiraient leur lait à l’hôpital et il était donné dans un délai n’excédant pas 24 heures.

Les nouveau-nés de moins de 32 SA ou de moins de 1 500 g, étaient exclusivement nourris avec du lait humain : soit celui de la propre mère du bébé ( cru ou pasteurisé), soit du lait de donneuses pasteurisé.

Les nouveau-nés plus âgés et plus gros ( >32SA, > 1 500g) étaient nourris avec le propre lait de leur mère, cru ou pasteurisé, ou un lait de formule artificiel.

Le lait de la propre mère du bébé, était pasteurisé dans un lactarium externe et n’était disponible dans l’unité de soins néonatals que 8 à 12 jours après l’extraction.

La décision, concernant l’utilisation du lait cru de la propre mère, était établie de façon partagée entre les médecins, les infirmières, et les parents de chaque enfant. L’observance du protocole pouvait varier en fonction des facteurs organisationnels ou du degré de conscience des soignants en regard de chaque situation d’allaitement.

Sans intervenir, les chercheurs ont observé si les nouveau-nés recevaient du lait frais et cru de leur propre mère au cours de la première semaine de vie ou non – groupes exposé et non exposé. A la fin de la première semaine, les chercheurs conduisaient une interview de chacune mère des bébés enrolés dans l’étude. Au moment de la sortie, les données concernant l’allaitement étaient extraites du dossier informatisé, et classé en allaitement « exclusif « ou « partiel ». A 2 et 6 mois après la sortie, les chercheurs ont interviewé les mères par téléphone.

Les résultats :

Plus d’un tiers des bébés allaités (187 – 36,2%) ne reçurent pas du lait de leur propre mère au cours de la première semaine de vie; ceci était principalement dû aux contraintes organisationnelles et à la réticence de l’équipe. Les soignants évoquaient des difficultés pratiques pour anticiper la disponibilité du lait frais et cru de la mère, gérer les stocks, prévenir le gaspillage de lait de la mère pasteurisé ou de lait de donneuses. Les autres raisons documentées étaient l’absence de la mère, ou l’impossibilité pour la mère de fournir du lait tiré à l’hôpital, des contaminations bactériennes du lait de la mère, une prise médicamenteuse maternelle, ou un refus parental.

56,7% d’entre ces bébés, en reçurent toutefois plus tard; le reste de ces bébés (43,3%) n’en recevant pas du tout.

329 (63,8%) en reçurent; le plus souvent la première administration avait lieu dans un délai médian de 3 jours (rang 0-34)

La satisfaction des mères en lien avec l’utilisation précoce de leur propre lait frais et cru était élevée (96%) et été couplée avec le sentiment plus fréquent chez la mère d’avoir été soutenue dans ses efforts pour allaiter ( 72,3 vs 58,8%, p=0,003).

A la sortie, 388 des 516 bébés étaient allaités (75%), 127 de façon exclusive (25%) et 257 de façon partielle (50%).

Il existait une association statistiquement significative entre l’utilisation précoce du lait de la propre mère du bébé et la poursuite de l’allaitement à la sortie (82,7 vs 62%, OR 2,92, 95% CI 1,94 – 4,4, p<0,0001).

Après ajustement sur un modèle multivarié (incluant tabagie maternelle, groupe d’âge et activité professionnelle, âge gestationnel et complications sévères), l’exposition au lait maternel frais et cru, de façon précoce dans les 7 premiers jours de vie, restait significativement associée à une augmentation de chance d’être allaité à la sortie pour le bébé ( aOR 2,03, 95% CI 1,27-3,25, p = 0,003)

A 2 mois, l’information concernant la poursuite de l’allaitement était disponible pour 408 bébés (79%) et à 6 mois, pour 392 bébés (76%).

Les taux d’allaitement avaient chuté de 75% à la sortie à 30% à 2 mois et 8% après 6 mois.

Tandis que les résultats ne montraient aucune différence statistiquement significative à 2 mois, la poursuite de l’allaitement était significativement plus élevée dans le groupe exposé au lait frais et cru de sa mère dans les 7 premiers jours de vie (10% vs 4,3%, OR 2,92, 95% CI 1,94 – 4,4, p= 0,023) et dans l’analyse multivariée, l’association persistait de façon significative à 6 mois ( aOR 2,46, 95% CI 1,02-5,92 p=0,045).

Conclusion des auteurs

Alors que l’utilisation du lait de la propre mère du bébé, frais et cru, semble freinée par des facteurs divers, cette pratique apparait cependant soutenante pour les mères, comme une opportunité simple pour améliorer la pratique de l’allaitement maternel dans les unités de soins néonatals.

Il apparait utile de rappeler que :

  • le don de colostrum frais et cru, répété, en badigeons oro-pharyngés, de la propre mère a montré des bénéfices pour des très grands prématurés : Lee & al. Pediatrics Feb 2015
  • le don de colostrum frais et cru soutient aussi la capacité à lacter de la mère au long cours : voir cette actualité
  • le don de lait frais et cru de la propre mère du bébé pourrait avoir un effet bénéfique sur l’incidence de la bronchodysplasie pulmonaire : voir cette actualité

Auteur : Laurence GIRARD