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Dans cette revue de la littérature, publiée en 2016 dans Journal of Human Lactation, les auteurs suisses et italiens font le point sur les causes, les signes cliniques, les conséquences et la prévention de la deshydratation hypernatrémique chez le bébé allaité, à partir des données publiées jusqu’en novembre 2014.

Les résultats de cette revue montrent :

Informations générales, perte de poids et fréquence de survenue :

97% des 1485 cas publiés d’hypernatrémie néonatale associée à l’allaitement sont reportées chez des nouveau-nés âgés de moins de 22 jours, avec un ratio garçons/filles de 1,35. Il existait une corrélation entre le niveau de sodium sanguin et le pourcentage de perte de poids des 304 enfants diagnostiqués pour hypernatrémie : plus la perte de poids était importante, plus les taux de sodium sanguins étaient élevés.

La fréquence varie selon les études : dans une étude italienne ( Manganaro 2001), sur 53 enfants adressés pour perte de poids excédant 10% (7,7% de la cohorte de l’étude), 19 (2,8% de la cohorte de l’étude) avaient aussi des taux de sodium sanguin > ou égaux à 150 mmol/L. Dans une étude rétrospective menée au Royaume-Uni (Oddie 2013), l’incidence de taux sanguin de sodium > ou égaux à 160 mmol/L était de 71 / 100 000 enfants allaités (1 sur 1 400). Finalement, dans une étude hollandaise nationale (Pelleboer 2009), le risque estimé d’hypernatrémie était de 2 / 100 000.

Facteurs prédisposant :

Dans 2 reports sur 10 les auteurs ne retrouvaient aucun facteurs prédisposant.

Les facteurs retrouvés dans les autres reports :

  • Naissance par césarienne 6 fois
  • Primiparité 4 fois
  • Anomalies mammaires ou problèmes d’allaitement 4 fois
  • Prise de poids excessive au cours de la grossesse 2 fois
  • Retard à la première tétée 2 fois
  • Pas d’expérience d’allaitement 2 fois
  • Niveau d’éducation de la mère faible 2 fois
  • Des caractéristiques psychosociales, telles qu’une grossesse non prévue, des problèmes psychiatriques pré-existants, des relations entre la mère et sa propre mère de mauvaise qualité ou la croyance de ne pas être capable d’être mère ont été retrouvées dans une étude (Ozbeck 2008)

Les signes cliniques, le déroulement et le devenir

Un tableau clinique associé à la deshydratation hypernatrémique était présent dans 1255 cas. En plus d’une perte de poids, les observations suivantes ont été faites et par ordre décroissant de fréquence :

  • tétée de mauvaise qualité,
  • mauvais état d’hydratation,
  • ictère,
  • hyperthermie,
  • irritabilité ou léthargie,
  • diminution de la quantité d’urines,
  • et convulsions.
  • Les apnées, les bradycardies, les convulsions ou la léthargie étaient présents dans de nombreux tableaux cliniques.
  • Les bébés présentaient pour certains des atteintes cérébrales ou rénales. Le décès, le plus souvent secondaires à une atteinte cérébrale est survenu au moins pour 25 enfants sur les 1074 cas reportés (2,3%).

Peu d’informations sont disponibles sur le suivi à long terme. En Turquie, des problèmes de développement psychomoteurs ont été noté pour 2 enfants sur 15, suivis approximativement pendant 18 mois (Ergenekon 2007). Dans une étude menée à San Francisco – USA – aucun dommage neurologique n’a été trouvé secondairement à une déshydratation hypernatrémique sur 173 enfants à l’âge de 2 ans et plus (Escobar 2002).

Taux lactés sodiques

La concentration en sodium du lait des mères a été reportée dans 60 cas de deshydratation hypernatrémique. Elle été augmentée de façon significative.

Management de la desydratation hypernatrémique

Peu de données ont été reportées et elles sont seulement disponibles pour 352 enfants : la réhydratation per os a été effectuée pour 135 d’entre eux, par sonde naso-gastrique pour 49 d’entre eux et par voie intraveineuse dans 168 cas. La durée d’hospitalisation n’a pas excédé 17 jours dans 2/3 des cas.

Prévention

3 études montrent qu’une pesée quotidienne au cours des 4 à 5 premiers jours de vie est efficace pour détecter la désyhdratation chez les nouveau-nés exclusivement allaités, particulièrement quand cela est couplé à un soutien approprié de l’allaitement maternel.

De plus des données hollandaises ( Van Dommelen 2007) ont montré que référer vers l’hôpital tous les bébés ayant perdus plus ou égal de 10% de leur poids de naissance conduit à des faux positifs. Et finalement compter seulement les couches n’est pas non plus un indicateur fiable pouvant servir d’outil de dépistage (Nommsen-Rivers 2008).

Discussion des auteurs :

La revue de la littérature montre que la deshydratation hypernatrémique chez le bébé allaité partage avec la deshydratation secondaire à une diarrhée sévère de nombreux signes cliniques : perte de poids > ou égale à 10%, diminution de la production urinaire, mauvais état d’hydratation, hyperthermie, irritabilité ou léthargie et convulsions. Il peut en résulter des dommages cérébraux car la déplétion du volume sanguin circulant peut causer d’un côté, un choc circulatoire et ses conséquences hypoxiques et de l’autre côté, des thromboses, tandis que l’hypernatrémie peut être responsable d’une dilatation des capillaires augmentant le risque de rupture et des hémorragies cérébrales. L’ictère, qui est communément associé, peut aussi entrainer des dommages cérébraux sévères. Cependant, les données disponibles indiquent qu’à l’opposé des deshydratation hypernatrémique du grand enfant dues à des diarrhées aigües, il n’y a pas ou peu de dommages cérébraux à long terme suivant une déshydratation hypernatrémqiue secondaire à une défaillance de l’allaitement. Deux facteurs pourraient l’expliquer :

  • Quand les concentrations de sodium sanguins augmentent de façon graduelle, la dilatation capillaire susceptible d’engendrer des ruptures et des hémorragies est moins facile grâce aux ajustements du volume interne et de la pression sanguine cérébrale.
  • Chez le nouveau-né, la fontanelle et la souplesse des os crâniens peuvent éviter ou réduire le risque de compression intra-crânienne.

Les auteurs précisent qu’il est sans doute utile de corriger doucement la désydratation du fait qu’une correction trop rapide pourrait entrainer des changements osmotiques rapides dans le cerveau et créer un oedème cérébral.

Nous rappelons ( LG) que les conditions du per-partum peuvent aussi jouer sur la perte de poids ( voir médiathèque Co-naitre).

Auteur : Laurence GIRARD