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Le premier objectif de cette publication qui vient de paraître dans le British Dental Journal était de comparer l’apport en calories, en glucides et en sucres simples de laits de formule – substituts du lait maternel – vendus dans 11 pays : Royaume-Uni, USA, Suisse (21), France (25), Canada (15), Colombie, Nouvelle Zélande, Brésil,Cambodge, Espagne, et Soudan; et ce afin d’en faciliter le choix de façon appropriée aux besoins des enfants. Les différents laits ont été étudiés entre mai et aout 2019. Ils étaient au nombre de 253, de 33 fabricants différents et destinés aux enfants de moins de 3 ans, vendus dans les supermarchés ou auprès de distributeurs importants dans chaque pays. Les laits de formules prêts à l’emploi analysés dans l’étude étaient seulement disponibles en Suisse, au Royaume-Uni et aux USA.

Le second objectif était d’évaluer les méthodes utilisées pour leur étiquetage.

En effet, les auteurs rappellent que la consommation excessive de sucres au cours de l’enfance augmente le risque de maladies non transmissibles (Non Communicable Diseases), incluant l’obésité, le diabète et la carie dentaire. La réduction de la consommation de sucres est un des objectifs les plus importants en terme de santé publique. Bien que la plupart des enfants consomment des laits de formule, soit seuls soit en complément du lait maternel, le contenu glucidique de ces produits n’est pas souvent intégré dans les stratégies de réduction de leur consommation glucidique.

Les résultats montrent que :

  • Niveau calorique : le niveau énergétique des laits de formule se situe entre 209 KJ/100ml (lait prêt à l’emploi destiné aux enfants entre 1 et 2 ans – RU) et 419 KJ/100ml (lait de formule en poudre pour les enfants entre 2 et 3 ans, Cambodge) avec une moyenne de 282 KJ/100ml. Les laits les plus énergétiques sont ceux destinés aux enfants entre 2 et 3 ans en poudre (294,3 KJ/100ml); les moins énergétiques sont ceux prêts à l’emploi destinés aux enfants entre 1 et 2 ans (209KJ/100ml)
  • Glucides totaux : les niveaux varient entre 4,7 g/100ml pour les laits prêts à l’emploi destinés aux enfants entre 1 et 3 ans (RU) à 13,5 g/100ml pour des laits en poudre destinés aux enfants entre 2 et 3 ans ( Cambodge). La teneur moyenne est de 7,71g/100ml. Pour les laits en poudre destinés aux enfants de moins de 12 mois, les taux les plus élevés sont relevés au RU avec 8,6g/100ml et et aux USA où ils varient considérablement ( 6,2 à 12,5 g /100ml).
  • Les sucres rapides : sont le plus souvent noyés dans l’étiquetage avec tous les glucides et sont le plus souvent non différenciés des glucides totaux. Les laits plus plus riches en sucre sont retrouvés en Colombie (moyenne de 7,75 g/100ml) et les apports en sucre peuvent être très variables au sein de produits commercialisés dans le même pays. En France, par exemple, les teneurs varient entre 4,3 et 8,2 g/100ml pour un lait premier âge, et 4,3 et 8,3 g/100ml pour un lait 2éme âge. Les taux de lactose sont très souvent non renseignés ce qui ne permet pas de les comparer allant ainsi de 0 g/100ml des laits sans lactose à 8,4 g/100ml pour des laits en poudre en vente au RU. Les laits contenant le plus de lactose sont ceux prêts à l’emploi (moyenne 7,68 g / 100 ml) pour les enfants entre 6 et 12 mois. En dehors des laits sans lactose, les produits les moins dosés en lactose sont ceux en poudre, destinés aux enfants de 6 mois et plus (4,42 g/100ml)
  • L’étiquetage : l’étiquetage rend très difficile la comparaison des laits entre les différents pays. Tous les laits mentionnent les glucides totaux mais seulement la moitié renseignent sur glucides totaux, leur taux en sucres, et un tiers seulement différencient glucides totaux, sucres et lactose. Aucun lait n’affiche dans son étiquetage, le « front-of-pack labelling« , NUTRISCORE en français, recommandé par l’OMS pour tous les produits alimentaires, depuis 2019. De plus, l’étiquetage porte des représentations trompeusement attractives, telles que des mères en train de donner le sein, des coeurs, des objets en lien avec les bébés, tels que des jouets ou des petits animaux attendrissants; ainsi que des formulations clairement conçues dans un but de marketing et de mobilisation émotionnelle telles que « Enrichi en calcium« , « Fortifié en fer« , « Sans OGM« , »Biologique » et « Confort« .

Les réflexions des auteurs :

Cette étude a trouvé que la majorité des produits analysés ont une teneur calorique en cohérence avec celle du lait maternel : seulement trois produits avaient des teneurs énergétiques de plus de 313 KJ/100ml et 5 produits de moins de 251 KJ/100ml; les plus basses étant celles des produits prêts à l’emploi destinés aux enfants de plus de 1 an. Ceci pouvant s’expliquer par des besoins en apports nutritionnels moindres par le lait après le sevrage ou au cours du sevrage. Les produits les plus énergétiques sont commercialisés au Cambodge ce qui peut aussi se justifier par les besoins importants des enfants ayant un accès limité à des aliments fortement énergétiques dans ce pays, où il existe une forte prévalence de la stagnation pondérale et de malnutritions aiguës sévères.

Par contre, en comparaison des composés nutritionnels du lait maternel, la plupart des produits ont des taux très élevés de glucides et de sucres, notamment pour ce qui concerne le lactose avec une teneur plus élevée que celle du lait maternel : en moyenne 6,2 g/100ml contre 5,5 g/100ml du lait maternel. Le sucre est une source importante de glucides facilement digestes. Les taux élevés de sucres trouvés dans les laits de formule pourraient provenir du fait que les fabricants atteignent ainsi un contenu énergétique optimal à moindre frais et soit une stratégie pour favoriser l’acceptation de leurs laits par les bébés, tout en facilitant la prise de poids, une considération très importante pour les parents, spécialement dans les pays à faibles ressources. Ce qui incite les parents à acheter ces produits.

Le fait que l’étiquetage soit très difficile à lire au dos des boites, que la plupart des produits ne listent pas les différents sucres présents, est source de une grande confusion pour les parents qui recherchent l’information. L’absence du NUTRISCORE, ou son équivalent, sur tous les produits y contribue encore d’avantage. Ceci suggère que l’industrie de l’alimentation infantile ignore ou outrepasse les recommandations gouvernementales ou de l’OMS et met en lumière la nécessité d’une régulation législative plus importante de l’étiquetage des produits de nutrition infantile.

Les conclusions des auteurs :

Les laits de formule destinés aux enfants sont plus riches en glucides que le lait maternel et promeuvent un environnement qui favorise l’appétence pour les goûts sucrés et programment des préférences pour le reste de la vie qui contribuent à un risque accru de maladies telles que l’obésité ou la carie dentaire. L’absence de régulation et l’absence d’efforts de transparence de la part de l’industrie pour réduire volontairement les quantités en sucres contenus dans les laits de formule infantiles, met en lumière la nécessité de politiques plus contraignantes pour permettre aux parents de choisir en connaissance de cause, comme en autres, l’apposition d’un NUTRISCORE sur ces produits.

Source : OMS – Mary L’abbé – Codex Comittee on food labelling

Auteur : Laurence GIRARD