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Dans notre société, nombre de livres sur la parentalité, sites Web, applications mobiles proposent de déchiffrer les pleurs des bébés. Malgré l’intérêt universel pour cette question nos connaissances restent peu scientifiques.

Dans cette étude, publiée en Octobre 20231, deux équipes de chercheurs2 ont collecté 39 201 pleurs de 24 bébés (filles et garçons, eutrophes nés à terme), enregistrés au domicile des familles en plusieurs séances de 48h à : 15j, 1,5 mois, 2,5 mois et 3,5 mois.

L’étude a été menée en deux étapes :

  • Les chercheurs ont mesuré les corrélations entre les caractéristiques des pleurs, l’interprétation selon les parents et l’action qui avait arrêté les pleurs
  • Puis ils ont fait écouter les pleurs à des adultes, parents ou non parents, hommes et femmes qui devaient identifier leur cause.

Résultats :

  • Il n’existe aucune différence acoustique cohérente entre les cris des nourrissons garçons et filles.
  • Il existe des changements acoustiques constants dans les pleurs à mesure que les bébés grandissent : ils passent de la production de pleurs principalement bruyants et stridents à la naissance, à la production de cris plus toniques et mélodieux, vers 4 mois.
  • Il est difficile de faire une estimation précise de l’âge réel à partir d’un seul pleur de bébé car il existe probablement de fortes variations interindividuelles entre les nourrissons.
  • Les pleurs de faim, d’isolement et d’inconfort ne diffèrent pas systématiquement dans leur structure acoustique : ils ne peuvent donc pas être efficacement séparés par cause lors de la mise en commun des pleurs de tous les bébés de tous âges.
  • Il a été constaté que les bébés humains ont des signatures de pleurs individuels que les parents reconnaissent au fil du temps.
  • Les pleurs évoluent avec l’âge mais conservent une signature individuelle.
  • L’hypothèse selon laquelle les pleurs d’un bébé humain sont un signal de détresse progressif plutôt qu’un signal pour des causes spécifiques de pleurs reste pertinente.
  • La discrimination des pleurs d’un nourrisson donné s’améliore après une brève familiarisation et la capacité à reconnaitre les pleurs d’un nourrisson parmi d’autres dépend principalement du temps passé avec l’enfant.
  • L’identification des pleurs est généralement multimodale pour les parents avec des indices visuels, auditifs, olfactifs et contextuels.

Conclusion

Cette étude montre ainsi que le bébé humain n’a pas développé un répertoire universel de pleurs pour communiquer les causes de ceux-ci. En revanche, il utilise une signature individuelle, flexible et évolutive.

Elle permet également de confirmer que les cris du bébé reflètent un système de communication dynamique où l’expéditeur (le bébé) et le destinataire (l’adulte) doivent s’adapter constamment au contexte ainsi qu’à leurs interactions mutuelles.

1 Lockhart-Bouron, M., Anikin, A., Pisanski, K. et al. Infant cries convey both stable and dynamic information about age and identity. Commun Psychol 1, 26 (2023). https://doi.org/10.1038/s44271-023-00022-z

2 Ces travaux ont été réalisés par l’équipe de neuro-éthologie sensorielle (ENES) au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (UJM/ Lyon 1/CNRS/Inserm) et celle du laboratoire Sainbiose (UJM/Inserm /Mines Saint-Étienne)