L’objectif principal de l’étude OLIMPE ( Observation LIen Mère-enfant PrématurE) était d’envisager la faisabilité d’une évaluation des interactions mères -bébés au moment de la sortie du service de néonatologie et à 6 mois d’âge corrigé, d’enfants uniques, nés grands prématurés avant 32 semaines de grossesse. C’est la première étude menée en ce sens sur une large cohorte.
Le second objectif était de décrire ces interactions et leurs désordres éventuels, d’explorer l’association entre les états émotionnels maternels et les interactions, et d’évaluer la relation entre des dysfonctionnements dans les interactions et les comportements de repli/retrait chez l’enfant.
L’étude OLIMPE est une étude auxiliaire des études déjà effectuées sur la cohorte EPIPAGE 2, qui a porté sur les prématurés nés en France en 2011.
163 dyades mères-bébés ont participé à l’étude au moment de la sortie et 148 dyades à 6 mois d’AC.
Les interactions entre le bébé et sa mère ont été observées à l’aide de l’échelle Attachment During Stress (ADS) Scale (échelle conçue pour détecter des comportements insécures ), et de ses 2 sous-échelles ( pour la mère, m-ADS et pour l’enfant i-ADS). Deux professionnels indépendants complétaient les échelles. L’état émotionnel de la mère était évalué à l’aide d’un auto-questionnaire de dépression, d’anxiété et de stress. Les comportements de repli/retrait de l’enfant étaient mesurés par l’échelle Alarme Détresse Bébé – ADBB.
Les résultats montrent qu’au moment de la sortie, l’évaluation des interactions basées sur la mère (sous-échelle m-ads) évaluait que presque 50 % des interactions étaient perturbées (comportements résistants ou évitants ou combinés) et celles basées sur l’enfant des interactions perturbées pour plus de 1/3 tiers des cas. Cependant, 35,9% des dyades mère-bébé ne montraient aucune perturbation dans les interactions mesurées avec les deux sous-échelles, tandis que 43,5% présentaient un désordre dans une des sous-échelles et 20,6% dans les deux.
A 6 mois, l’évaluation des interactions montrait des interactions de meilleure qualité qui restaient perturbées pour plus de 32% d’entre elles évaluées avec la m-ADS et pour près de 26% d’entre elles avec la i-ADS. Cependant, 57,8% des dyades mère-bébé ne présentaient aucune perturbation des interactions observées dans les deux sous-échelles m-ADS et i-ADS.
Aucune association n’est retrouvée, entre les scores maternels de dépression, d’anxiété ou de stress et les perturbations dans les interactions avec l’enfant retrouvées à l’aide des deux sous-échelles.
Il existe une association entre le score de l’échelle Alarme Détresse Bébé et l’altération des interactions coté bébé, mais non du côté de la mère.
Aucune association n’est retrouvée, entre une politique de soins centrée sur l’enfant et sa famille ou vis à vis de l’allaitement et du soin kangourou, et les perturbations dans les interactions mère-bébé, retrouvées à la sortie ou à 6 mois.
Discussion par les auteurs :
L’observation d’interactions mère-bébé perturbées à la sortie pourrait permettre d’anticiper les perturbations retrouvées à 6 mois.
Des programmes d’intervention, basés sur la théorie transactionnelle du développement, débutés dès le séjour en néonatologie, pourraient, par conséquent, améliorer le tempérament de l’enfant, les interactions mère-bébé et le stress parental dans les premières années de vie de l’enfant.
Bien que des études précédentes aient montré que des scores de dépression maternelle élevés retentissent défavorablement sur les interactions mère-bébé, les auteurs ne retrouvent pas dans cette étude, d’association; ce qui ne peut pas être expliqué par la prise d’un traitement anti-dépresseur par la mère, mais peut-être par les caractéristiques des mères incluses dans les études précédentes.
De même, l’anxiété maternelle a été associée dans des études antérieures, au fait que la mère touchait moins, parlait moins et était moins sensible à son bébé, au cours de l’hospitalisation, ce qui pouvait expliquer un moindre engagement du bébé dans les interactions en direction de sa mère. Cette association n’a pas été retrouvée ici non plus.
Une association solide a été retrouvée à 6 mois d’AC, entre des interactions perturbées dans la sous-échelle i-ADS, à 6 mois et des comportements de repli/retrait du bébé. Ce qui pourrait être interpréter comme un moyen pour l’enfant de faire face au manque de synchronie dans la relation parent-enfant, mais ces résultats restent difficiles à interpréter.
D’autre part, bien que les résultats suggèrent qu’il n’existe pas d’influence sur les interactions mère-bébé des politiques de soins centrées sur l’enfant et sa famille, au moment de la sortie et à 6 mois, peu d’enfants de la cohorte EPIPAGE 2 et OLIMPE avaient pu bénéficier d’un programme de soins de développement individualisé avec une approche des soins centrée sur la famille, alors que ces programmes pourraient accroître l’estime des parents et leurs compétences à prendre soin de leur bébé et promouvoir un mode d’interactions positif.
Les limites de l’étude sont :
La sélection faite au sein de la cohorte OLIMPE pourrait sous-estimer le taux de désordres dans les interactions mère-bébé au moment de la sortie et à 6 mois. De plus, les jumeaux prématurés, qui non pas été inclus dans l’étude OLIMPE, apparaissent comme plus à risque de moindre qualité des interactions mère-bébés dans des études antérieures.
Conclusions des auteurs :
Cette étude de cohorte, prospective multi-centrique et observationnelle, confirme la prévalence élevée de désordres dans les interactions mère-bébé et de détresse maternelle dans les mois suivant une naissance très prématurée. Un suivi à plus long terme serait utile pour en évaluer le devenir. Ces travaux suggèrent également que l’utilisation de l’échelle ADS pourrait aider à cibler les dyades mère-bébé qui pourraient bénéficier d’interventions précoces au cours de l’hospitalisation ou au domicile, conçues pour améliorer les comportements de maternage, la qualité de l’environnement au domicile et le devenir des enfants et de leur famille.
Auteur : Laurence GIRARD