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Des chercheurs australiens ont souhaité faire le point sur l’intérêt et les risques à utiliser de la dompéridone chez la mère d’enfant prématuré, au travers d’une revue systématique de la littérature scientifique parue jusqu’en janvier 2017, publiée ce mois-ci dans le BJOG.

La dompéridone est un des galactogogues les mieux étudiés, considéré en Australie et en Nouvelle Zélande comme le traitement médicamenteux de première ligne pour le traitement de l’insuffisance lactée. Toutefois ,en dépit de sa grande fréquence d’utilisation, une controverse subsiste. La dompéridone a été incriminée à plusieurs reprises dans la survenue d’un syndrome d’allongement de l’intervalle QT corrigé – QTc -, syndrome responsable d’arythmies ventriculaires potentiellement létales. La pertinence à prescrire de la dompéridone à des femmes lactantes, jeunes et en bonne santé, a donc fait l’objet de débats. La dernière méta-analyse sur le sujet est parue en 2012 et a porté seulement à l’époque, sur 2 études.

Seuls ont été retenu, des essais randomisés contrôlés qui comparaient dompéridone et un placebo, utilisés par des femmes ayant accouché avant 37 SA, et qui éprouvaient une production de lait insuffisante (leur production ne couvrait pas les besoins nutritionnels de leur bébé après les 72 heures suivants la naissance). Le traitement était instauré pour un minimum de 5 jours – durée de traitement identifiée comme étant la plus courte dans les récentes enquêtes de terrain -.

La différence des volumes lactés produits et les effets secondaires non souhaités ont été combiné en utilisant le modèle de la méta-analyse à effets fixes.

Les résultats :

5 RCT seulement ont été retenus,  incluant 192 femmes : 95 femmes randomisées dompéridone, et 97 randomisées placebo, toutes ayant accouché entre 30 et 37 SA.

En ce qui concerne la production lactée des mères :

  • Une faible quantité de lait produite a été définie comme l’incapacité à atteindre un volume quotidien pré-déterminé fixe ( 250 mL/j) ou l’incapacité à atteindre un volume de lait prédéterminé en fonction du poids de l’enfant ( 150 mL/kg/j) ou l’impossibilité pour la mère de couvrir les besoins de son bébé dans leur totalité.
  • Toutes les études ont utilisé la dompéridone aux doses suivantes : 10 mg X 3 /j soit 30 mg/j, au cours d’une durée variable de 5 à 14 jours de traitement.
  • Les résultats des études montrent, en moyenne, une augmentation modérée de la production lactée quotidienne de 88,3 mL/j (95% CI 56,8-119,8) en faveur de la dompéridone versus le placebo.
  • Les effets à long terme sur la durée de l’allaitement étaient étudiés de façon trop hétérogène pour entrer dans la méta-analyse.

En ce qui concerne les effets secondaires non souhaitées pour la santé des mères :

  • Des effets secondaires ont été rapportés dans deux études mais aucune différence n’a pu être mise en évidence en faveur du groupe dompéridone ou du groupe placebo (RR 1,05; 0,65-1,71).
  • Ces effets adverses incluaient des maux de tête, des symptômes gastro-intestinaux et respiratoires, ainsi que neuro-comportementaux (perturbation du sommeil, vertiges, somnolence ou agitation).
  • Les effets secondaires cardiaques potentiels ont spécifiquement été évalués dans une seule étude et aucune femme n’a présenté d’allongement de l’intervalle QTc.

En ce qui concerne les effets secondaires non souhaitées pour la santé des bébés :

  • Seulement rapportés de façon spécifique dans 3 études (sur 5).
  • Aucun effet n’a été rapporté dans 2 des 3 études.
  • Dans la 3ème, 14 effets secondaires non souhaités ont été rapportés dans chacun des groupes dompéridone et placebo, mais pas leur prévalence. Les auteurs de cette étude ont recherché en début (chez 91 bébés) et en fin d’étude (chez 76 bébés) un syndrome d’allongement de l’intervalle QTc (> 500 ms). 5 enfants ont présenté ce type de syndrome dont 2 en début de l’étude et 3 à la fin. Tous les enfants étaient cliniquement asymptomatiques et aucune intervention n’a été nécessaire.

Discussion des résultats par les auteurs :

Les résultats de cette méta-analyse montrent que la dompéridone permet d’améliorer de façon modérée la production lactée de mères d’enfants prématurés, chez qui par ailleurs on a appliqué des stratégies non pharmacologiques de soutien à la production de lait.
Cette augmentation “modérée” représente, cependant, au moins 40 % de la nutrition d’un nouveau-né prématuré typique pesant 1,5 kg qui reçoit 150 mL/kg/j.

Cette méta-analyse portant sur moins de 200 femmes n’a pas montré d’effets secondaires non souhaités, ni d’allongement de l’intervalle QTc chez la mère ou l’enfant, suite au traitement par dompéridone.

Limites selon les auteurs :

Les limites les plus importantes sont liées au petit nombre d’essais inclus dans cette méta-analyse, incluant eux-mêmes un faible nombre de participants. Il sera très difficile d’évaluer par ailleurs l’impact de la dompéridone sur le risque d’arythmie cardiaque ou de mort subite chez la femme jeune allaitante, car l’étude aurait besoin d’inclure plus de 100 000 femmes, allaitantes, sans antécédent d’arythmie cardiaque ventriculaire chez qui la dompéridone serait contre-indiquée; ce qui est clairement infaisable.

Conclusion des auteurs :

Dans les situations, où les mères d’enfants prématurés éprouvent des difficultés à produire du lait en quantité suffisante, malgré l’utilisation de stratégies non-pharmacologiques, l’utilisation pour de courtes périodes de la dompéridone améliore de façon modérée leur production. L’initiation du traitement par dompéridone ne devrait se faire qu’après une évaluation soigneuse de la situation de la femme et toujours en association avec des stratégies complémentaires, telles que consultation en lactation, augmentation de la fréquence des expressions et utilisation de matériel adéquat. En dépit des inquiétudes, le risque de survenue d’un syndrome de l’allongement de l’intervalle QTc, associé à l’utilisation de dompéridone, chez des femmes allaitantes en bonne santé sans antécédent d’arythmie cardiaque, apparait faible.

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt en lien avec le sujet de cette méta-analyse.

Auteur  : Laurence GIRARD