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Il n’existe pas de recommandation spécifique pour l’utilisation du lait maternel frais, contrairement à celui de donneuse, pasteurisé et distribué par les lactariums. Comme une étude récente l’a montré (Dicky & al. 2017), les pratiques sont disparates en France. Afin d’émettre des recommandations spécifiques et harmoniser les pratiques en se basant sur les données de la littérature, un groupe de travail s’est réuni, sous l’égide de la Société Néonatale Française. Le texte de leurs recommandations est paru dans Acta Paediatrica au mois de Mars 2018, en accès libre.

En voici une synthèse détaillée :

Soutenir l’allaitement des enfants prématurés

Une des clés du succès de l’allaitement chez l’enfant prématuré concerne la précocité de son initiation. Les études ont bien montré qu’il n’existe pas d’âge gestationnel minimum pour initier la tétée au sein, et que les bébés n’ont nul besoin de faire la démonstration de leur capacité à boire préalablement un biberon, pour être compétents pour téter au sein. Quand on leur en donne l’opportunité, certains bébés prématurés ont montré qu’ils étaient capables de téter de façon efficiente dès 31-32 SA et d’être exclusivement allaités au sein bien avant 37 SA. L’efficience des tétées au sein devrait être évaluée à l’aide d’une échelle d’observation validée. Une évaluation de la capacité de l’enfant à se nourrir en quantité suffisante pour assurer une croissance régulière et satisfaisante, est une composante importante des soins individualisés à leur apporter. Les soignants et les parents devraient apprendre à reconnaitre quand l’enfant peut faire face aux stimulations de la tétée et l’encourager à téter, et le laisser se reposer quand il en a besoin.

Les connaissances sur l’allaitement de l’enfant prématuré doivent être remises à jour et les pratiques de soins harmonisées de telle sorte que les parents reçoivent des informations claires et scientifiquement validées, sans ambiguïté.

Le taux d’enfants prématurés encore allaités à la fin de la période néonatale est un bon indicateur de la qualité des soins, et ces données devraient être collectées et suivies dans chaque unité de soins néonatals.

Assurer une alimentation au lait frais et cru de la mère qui réponde aux besoins des enfants grands prématurés :

La nutrition entérale devrait être initiée aussitôt que possible, de façon à raccourcir l’exposition aux cathéters assurant la nutrition parentérale, et ce, que l’enfant soit nourri avec du lait frais de sa mère ou du lait pasteurisé de donneuses. Les nutriments apportés par le lait humain dépendent de sa composition et des traitements qu’il subit (réfrigération, congélation, pasteurisation et enrichissement). Ils dépendent également du fait que le bébé reçoive directement du lait du sein, ou que le lait transite par une sonde, et soit administré en continu ou en bolus. Le lait de la propre mère du bébé prématuré devrait être utilisé aussi vite que possible à cause de sa composition particulière. Comparé à du lait mature, tel que celui de donneuse, il est plus riche en protéines et est également différent pour sa valeur énergétique et sa composition en minéraux. Ceci est particulièrement bien établi pour les mères de grands prématurés au cours des 8 premières semaines.

Une revue récente a montré que le lait humain fortifié améliorait la croissance, en comparaison de lait humain non fortifié, sans augmenter le risque d’entérocolite ou d’intolérance digestive. Comme la teneur en nutriments du lait humain est naturellement très variable, l’enrichissement peut s’avérer insuffisant ou excessif. C’est pourquoi une fortification individualisée – ciblée ou ajustable – a été proposée. L’enrichissement ciblé est basé sur l’analyse du contenu nutritionnel du lait humain pour atteindre une composition donnée. L’enrichissement ajustable consiste à ajouter un enrichissement en protéines, sur la base de la concentration sérique d’urée. Il n’y a pas de consensus sur la méthode optimale pour fortifier le lait humain. Il semble souhaitable d’entreprendre l’enrichissement dès qu’une un volume important d’alimentation entérale a été bien toléré par le bébé, et cela a été quantifié à environ 50-100 mL/kg/j. Jusqu’à présent, il n’y a eu aucune preuve sur la croissance de l’intérêt à commencer l’enrichissement plus tôt.

Une revue de la littérature a montré qu’il n’existait pas de preuve forte pour recommander un enrichissement du lait après la sortie de l’hôpital pour le domicile. Toutefois, cela pourrait être judicieux d’enrichir le lait de la mère, quand les besoins nutritionnels de l’enfant sont encore élevés au moment de la sortie, comme c’est le cas chez les enfants présentant un déficit de croissance ou une broncho-dysplasie. 

Le propre lait de la mère devrait être promu, en évitant les traitements tels que la réfrigération, la congélation ou la pasteurisation quand c’est possible.

L’impact du traitement du lait sur ses qualités nutritionnelles a bien été exploré :

  • Le stockage entre 4 et 6°C pendant plus de 96 heures n’a pas d’effet majeur sur ses qualités nutritionnelles, enzymatiques et son osmolarité. Toutefois, il réduit le taux de vitamine C, altère ses capacités anti-oxydantes et induit une lipolyse qui augmente la concentration en acides gras libres et diminue son pH. Les acides gras ont également un effet cytolytique sur les pathogènes.
  • La congélation à -20°C a un impact modéré sur les composés azotés, les lipides et le lactose et sur l’activité de la lipase. Toutefois une étude a montré que la concentration en vit C était réduite des 2/3 après 2 mois de congélation à -20°C. 
  • La pasteurisation n’a pas d’effet majeur sur la qualité nutritionnelle du lait, bien qu’une étude reporte une réduction de la teneur en graisses de 5%, une grande réduction du taux de vitamines C, D et B6. La lipase d’origine biliaire est également détruite par la pasteurisation, mais comme elle contribue seulement pour 20 à 25% à l’absorption des graisses chez l’enfant prématuré, cela peut expliquer l’absence d’un impact significatif sur la croissance à court terme. 

L’allaitement direct au sein devrait être favorisé par aider à limiter ces pertes nutritionnelles.

La façon dont le lait humain est administré a également un impact significatif sur sa valeur nutritionnelle :

  • Par exemple quand le lait maternel est administré en utilisant sonde et seringue, la perte lipidique peut atteindre entre 1/3 et 1/2 des lipides totaux contenus dans le lait; en cause l’adhésion des lipides aux parois plastiques. Ces pertes sont d’autant plus importantes que l’administration est longue, indépendamment qu’elle soit faite en bolus ou en continu.

Ainsi le mode d’administration a plus d’impact encore que la pasteurisation. 

La croissance post-natale est influencée par la qualité du lait consommé par le bébé. Mais il n’existe pas d’essai randomisé comparant la croissance en poids, taille et PC, de bébés nourris au lait frais versus au lait pasteurisé. Une étude observationnelle a analysé la croissance post-natale d’enfants prématurés nourris avec du lait humain enrichi, qui était soit du lait frais de la propre mère du bébé, ayant donc accouché prématurément, soit du lait de femmes donneuses ayant accouché à terme. L’étude a montré que la prise de poids était directement proportionnelle à la quantité de lait de sa propre mère reçue par le bébé, sans affecter toutefois les autres paramètres anthropologiques. D’un autre côté, une étude randomisée a montré qu’il n’existait pas de différence de croissance entre les groupes nourris avec du lait cru ou du lait pasteurisé. Lorsque le lait est enrichi de façon appropriée, la pasteurisation n’a pas d’effet néfaste sur la croissance post-natale.

L’administration en continu de lait humain devrait être limitée aux situations où elle est justifiée par l’état clinique du bébé, tel qu’une instabilité ou une intolérance digestive. Les unités de soin devraient favoriser l’administration de lait frais et cru de la propre mère du bébé avec le moins de temps possible entre son extraction et son administration. 

Assurer la qualité bactériologique du propre lait de la mère 

Le lait humain est un écosystème complexe et non stérile qui reflète le biotope maternel et contient une combinaison de germes non pathogènes et de germes potentiellement pathogènes. Le microbiote du lait maternel varie également avec le terme d’accouchement et les femmes qui accouchent prématurément ont une moindre diversité bactérienne, les taux de staphylocoques sont plus élevés et présentent une plus grande virulence.

De plus, le lait maternel peut subir une contamination avec des conséquences graves pour le bébé. Des contaminations du lait maternel ont été rapportées en lien avec le recueil, la manipulation, le stockage et les différentes étapes de la pasteurisation, ainsi qu’au cours du nettoyage du matériel. Les germes les plus souvent impliqués sont des staphylocoques à coagulase négative, des staphylocoques aureus et des entérobactéries. Les études montent que 10 à 40% des échantillons collectés dans les unités de néonatalogie sont contaminés avec des germes pathogènes. Le recueil propre du lait est donc crucial. Recueillir le lait dans l’unité de soin a été montré comme réduisant de façon significative la contamination microbienne comparé au recueil au domicile. Les guidances, pour le recueil et la manipulation du lait maternel, devrait être suivies aussi bien à domicile qu’à hôpital.

En 2005, l’AFSA a recommandé que le lait de la propre mère du bébé soit pasteurisé, au plus tard, dans les 48 heures suivant son recueil, de la même façon que celui de donneuse. Dans d’autres pays, le lait de la propre mère du bébé n’est pas pasteurisé. Soit il est donné immédiatement au bébé, soit il est conservé congelé, puis décongelé avant consommation. Il est pris en charge par des équipes dédiées dans des locaux dédiées. Le groupe de travail considère que lorsque ces conditions sont réunies, l’utilisation du lait congelé et non pasteurisé de la propre mère du bébé pourrait être envisagée par les unités de soins néonatals.

L’enrichissement, le stockage prolongé et la pasteurisation modifie les propriétés anti-bactériennes du lait maternel. L’activité bactéricide du lait humain des femmes qui ont accouché à terme est plus grande que celle retrouvée chez les femmes ayant accouché prématurément. Elle est efficience pour au moins 48 heures si le lait est réfrigéré dans de bonnes conditions, expressément à un maximum de 4°C. Le lait cru et le lait pasteurisé ont montré tous deux des capacités à inhiber la croissance bactérienne, mais cette inhibition est plus importante pour le lait cru (95%) que pour le lait pasteurisé (80%). Le lait humain est fortifié en routine plusieurs heures avant d’être administré au bébé : il se passe généralement entre 24 et 30 heures entre la préparation du lait enrichi et l’ administration de la dernière seringue ou du dernier biberon. Des études in vitro ont montré que l’enrichissement diminuait la capacité bactéricide du lait humain. Toutefois, il a été montré que dans des conditions hospitalières, l’enrichissement l’affectait pas la croissance bactérienne du lait réfrigéré après 72 heures. L’enrichissement a d’autres effets comme augmenter l’osmolarité et il n’est pas recommandé de tolérer un stockage de 72 heures. Trente – 30 – heures semble acceptable. 

De plus, les effets du stockage sur les propriétés anti-bactériennes du lait humain dépendent également de la température de stockage et de sa durée. Un stockage de 48 h à 4-6°C n’entraine pas une réduction de l’activité bactérienne. A 72 h, l’activité anti-bactérienne et anti-oxydante totale est réduite de moitié.

Une limite supérieure à 72 heures – de 8 jours – a été proposée par l’Academy of Breastfeeding Medecine, pour l’utilisation au domicile de lait maternel pour des enfants à terme, si le recueil est propre et le lait stocké dans le fond du réfrigérateur. Il faut alors régulièrement s’assurer de la température du réfrigérateur.

Quand le lait est stocké à -18°C, une limite maximale de 6 mois est considérée comme optimale et de 12 mois est considérée comme acceptable, pour l’utilisation au domicile du lait au bénéfice d’enfants à terme. Le lait devrait être placé dans des contenants propres, au fond du congélateur. Plusieurs études ont montré que le lysozyme, les IgAs et les macrophages sont diminués dans le lait humain congelé pendant un mois et que la congélation supérieure à 3 mois entraine une baisse des niveaux de lactoferrine. Par ailleurs il a été montré que activité bactéricide du lait humain congelé depuis moins de 7 jours était similaire à celle du lait frais. D’un autre coté, une étude a reporté que les composants immuno-actifs étaient préservés et que le taux de bactéries diminuaient dans le lait stocké pendant 9 mois à -20°C. Les définitions des limites de conservation du lait congelé devait tenir compte de ces données, ainsi que celle de la diminution de la vitamine C et de la lactoferrine reportées après 2 à 3 mois. Ainsi, une limite de conservation de 3 mois à -18°C pourrait être proposée . Neuf mois pourrait être acceptable dans des conditions de conservation bien définies et des études ultérieures seront nécessaires pour en confirmer la sureté dans différentes situations routinières.

Les limites de conservation proposées doivent viser à garantir les meilleures propriétés du lait maternel dans la pratique quotidienne. De préférence, le stockage ne devrait pas excéder 48 heures à 4°C et 3 mois à -18°C. Toutefois des durées de conservation plus longues pourraient être acceptables mais, pourraient avoir un plus grand impact sur les propriétés nutritionnelles et anti-infectieuses du lait humain.

La pasteurisation a montré qu’elle n’impactait pas de façon significative les concentrations de lactoferrine, d’immunoglobulines, de lysozyme et de cellules, mais une diminution de 25% de l’activité bactéricide a été reportée. Le délai de conservation du lait pasteurisé congelé est de 6 à 8 mois

L’effet bactéricide du lait de mère est-il suffisant pour contrebalancer toute contamination microbienne avec des organismes pathogènes ? Il a été montré que des enfants qui recevaient du lait frais de leur propre mère étaient exposés à des bactéries pathogènes sans forcément développer une infection. D’un autre coté, il existe plusieurs cas bien documentés d’infections sévères d’enfants prématurés alimentés avec le lait contaminé de leur mère. L’incidence des infections bactériennes transmises par le lait maternel est difficile à quantifier à partir de la littérature, mais elle semble basse. Et dans tous les cas, les enfants nourris avec du lait frais de leur mère ou du lait pasteurisé de donneuses développent moins d’infections que ceux nourris avec du lait pour prématuré.

Les infections en lien avec l’ingestion de lait maternel frais et cru sont parfois associées avec des symptômes maternels tels que mastite, fièvre et endométrite. Par conséquent l’administration du lait frais de sa mère au bébé, doit s’accompagner d’une prise en compte de la santé de la mère, que cela soit à la maternité ou lors du retour à domicile. Un suivi clinique de la mère doit être proposé, et les mères ont besoin d’être informées de l’importance à prévenir les professionnels de santé devant des symptômes évocateurs. Devant toute fièvre inexpliquée, on doit rechercher une mastite, qui, si elle est sévère devrait suspendre le don de lait jusqu’aux résultats des analyses biologiques effectuées sur le lait.

Certains auteurs ont suggéré d’établir une surveillance bactériologique du lait de mère frais et de retirer de la consommation les laits contenant des germes pathogènes. Plusieurs bactéries sont considérées comme inacceptables car elles sont le plus souvent pathogènes tels que des bacilles gram -, incluant Psuedomonas Aeruginosa, E.Coli, Kliebsellae, Enterobacter, Serratia, Salmonella et Proteus, les streptocoques du groupe B, et Staphylococcus aureus. Auquel, le groupe de travail à rajouter Bacillus Cereus – germe environnemental retrouvé dans les unités de soins, associé à des infections sévères du prématuré mais qui n’a jamais été incriminé dans des infections néonatales transmises par le lait de la mère – car il est néanmoins susceptible de le faire s’il était présent dans le lait de mères de bébés prématurés immunodéprimés.

Les bénéfices du lait maternel pour les bébés prématurés sont bien établis. Toutefois, il est difficile de trancher entre les avantages d’une alimentation au lait frais et cru de la mère et les risques possibles d’une contamination, avec des germes pathogènes, en particulier pour les enfants les plus immatures tels que les bébés nés avant 28 SA ou avec un poids inférieur à 1000g.

Le groupe de travail considère qu’il est nécessaire de vérifier la bactériologie du lait sous certaines conditions et propose une stratégie basée sur les conditions de recueil et les caractéristiques de l’enfant. 

Quand une mère récolte plus de lait que son bébé prématuré n’en a besoin, son excèdent peut être donné au lactarium. Toutefois, s’il n’est pas conforme aux critères bactériologiques requis pour pouvoir être intégré aux laits d’autres donneuses, il sera détruit conformément aux procédures du lactarium. Les critères bactériologiques appliqués au lait de donneuse dans les lactariums ne devraient pas être appliqués au lait maternel frais, donné par la mère à son propre bébé

Assurer la sûreté virologique du lait frais 

Dans les pays développés, on considère que les mères porteuses du virus de l’immunodéficience humaine VIH, ne devraient pas allaiter leur enfant. L’hépatite B ne contre-indique pas l’allaitement maternel, sous réserve d’une immunoprophylaxie passive-active efficace à la naissance, et l’hépatite C ne contre-indique pas l’allaitement maternel.

Lorsque la sérologie du virus humain HTLV est effectuée dans des populations à risque, provenant de zones endémiques, sa positivité contre-indique l’allaitement maternel. Cependant, l’alimentation avec du lait maternel non pasteurisé peut commencer, dans l’attente des résultats de la sérologie . En effet, le risque de transmission est lié à un allaitement maternel prolongé. Lorsque les sérologies maternelles pour les virus HTLV sont positives, le lait humain ne peut être utilisé par le lactarium.  

Il existe également un risque de transmission du cytomégalovirus par le lait maternel et une étude a montré que la prévalence de ce virus était d’environ 60% chez les femmes enceintes. La présence de l’immunoglobuline G dans le sérum maternel a été presque systématiquement associée à l’excrétion du cytomégalovirus dans le lait maternel. Il est excrété très tôt, au stade colostral, mais en quantités assez faibles. La teneur en cytomégalovirus du lait humain est à son niveau le plus élevé quatre à huit semaines après l’accouchement. Certaines études et méta-analyses ont suggéré que la congélation du lait humain réduirait le risque d’être infectant, mais que cela ne serait que partiellement efficace. Au contraire, la pasteurisation élimine le cytomégalovirus du lait maternel.

La transmission postnatale du cytomégalovirus par le lait maternel chez les nouveau-nés à terme et les prématurés modérément prématurés est généralement asymptomatique et n’a pas de conséquences à long terme. Ils sont protégés par la transmission des anticorps maternels à partir du troisième trimestre, ce qui ne se produit pas chez les nourrissons nés très prématurément avant 32 semaines.

Le taux de transmission postnatale du cytomégalovirus par le lait cru ou congelé a été rapporté comme se situant entre 8 et 37%  et une autre étude a montré que le pourcentage de nourrissons infectés était de 7 à 10% et que 3 à 5% présentaient des infections sévères. Des études observationnelles menées sur des petites populations n’ont pas révélé de morbidité supplémentaire pendant l’hospitalisation, tandis que d’autres ont rapporté une morbidité postnatale significative et des conséquences neurosensorielles à plus long terme.

Les facteurs de risque signalés pour les infections symptomatiques à cytomégalovirus comprennent l’insuffisance pondérale à la naissance et la prématurité extrême, la présence d’une pathologie associée, la charge virale du lait, la rupture prématurée des membranes et la septicémie au cours des premières semaines de vie. Une revue de la littérature a montré que des infections graves sont survenues chez les nourrissons nés avant 26 semaines, surtout s’ils présentaient des co-morbidités importantes et que la transmission du cytomégalovirus s’était produite avant les huit premières semaines de vie. Les auteurs de cette revue préconisent la pasteurisation du lait humain pendant les six à huit premières semaines de vie de ces enfants.

L’impact des infections postnatales par le cytomégalovirus sur le développement neurologique des prématurés est difficile à évaluer. En 2012, l’American Academy of Paediatrics a estimé que la valeur d’une alimentation de routine au lait humain provenant de mères CMV + l’emportait sur les risques d’anomalies neurodéveloppementales à long terme. L’AAP s’appuie sur cinq études publiées entre 1980 et 2005. Depuis, certaines études sur les nourrissons nés avant 34 semaines ont suggéré un impact négatif sur le développement cognitif, tandis que d’autres n’ont trouvé aucun effet.

En résumé, les nourrissons les plus immatures courent le plus grand risque d’infections compliquées par le cytomégalovirus. Par conséquent, les nourrissons nés avant 28 semaines ou dont le poids à la naissance est inférieur à 1000 g devraient bénéficier de stratégies de prévention spécifiques, lorsque leur mère est CMV +.

À l’heure actuelle, il n’y a pas de consensus sur la balance bénéfices du lait maternel frais et risques d’infection au CMV chez les nourrissons de très faible poids à la naissance.

C’est pourquoi notre groupe de travail propose une stratégie basée sur le statut sérologique de la mère et sur les caractéristiques de l’enfant.

Il convient de noter qu’il n’est pas nécessaire de rechercher le cytomégalovirus dans le lait maternel en raison de difficultés techniques. La décision d’administrer du lait maternel frais dans le cas d’une sérologie maternelle positive ne devrait être prise qu’après que les parents ont été informés des risques et des avantages.

Preuves des avantages du lait humain cru par rapport au lait humain traité.

L’utilisation du lait maternel frais est théoriquement bénéfique, car il conserve les plus grands composants nutritionnels et immunitaires. Cependant, très peu d’études ont comparé la morbidité et la mortalité néonatales et le développement à long terme des prématurés nourris au lait humain frais ou pasteurisé. Par ailleurs, de nombreuses études ont montré que le lait maternel cru ou pasteurisé était supérieur aux préparations pour prématurés.

Une étude a montré que la vidange gastrique était légèrement plus rapide chez les nourrissons prématurés nourris avec du lait humain frais qu’avec du lait humain pasteurisé et, à son tour, plus rapide que chez les nourrissons nourris avec une préparation pour prématurés. Dans une étude randomisée, Cossey et al. n’ont pas rapporté de différence significative dans la tolérance digestive et l’incidence de l’entérocolite nécrosante, confirmant les études d’observation précédentes. Cela est probablement dû au fait que la pasteurisation du lait ne détruit pas les composants qui ont un effet de maturation sur le tube digestif.

Théoriquement, le lait humain frais ou congelé devrait être plus efficace que le lait humain pasteurisé pour prévenir la septicémie tardive. Toutefois, deux études randomisées ont fait état d’une incidence similaire de septicémie, et d’autres études non randomisées ont fait état de résultats similaires.

Les données de la littérature suggèrent que l’alimentation des prématurés au lait maternel favorise leur développement psychomoteur par rapport aux nourrissons nourris avec des préparations pour prématurés. Cependant, aucune étude n’a comparé le développement psychomoteur des prématurés nourris avec du lait maternel frais ou du lait pasteurisé.

Le colostrum frais a été proposé en raison de sa composition, en particulier lorsque les mères donnent naissance prématurément, mais très peu d’études randomisées ont évalué les bienfaits pour la santé de l’administration de colostrum aux prématurés. Une étude a suggéré qu’elle pourrait aider à réduire le nombre de cas de septicémie clinique à déclenchement tardif, mais sans réduire le nombre d’infections bactériologiquement prouvées. Les études chez les prématurés n’ont pas rapporté d’effets bénéfiques sur la mortalité, la tolérance digestive, l’entérocolite nécrosante ou d’autres morbidités. Les avantages potentiels doivent être mis en balance avec les risques associés à la contamination bactérienne du colostrum lors de la manipulation du colostrum pendant la collecte, le stockage et l’administration. En résumé, les données probantes sont insuffisantes pour recommander l’administration ou non de colostrum. Chaque unité néonatale doit décider si elle donnera ou non du colostrum pour les prématurés hospitalisés et si elle décide de le faire, elle doit le faire dans des conditions d’hygiène appropriées.

La CONCLUSION des auteurs

Donner au bébé prématuré du lait frais de sa propre mère devrait être la méthode d’alimentation privilégiée, conformément aux recommandations les plus récentes. Cette alimentation doit être réalisée dans des bonnes conditions. Les professionnels doivent fournir aux parents un environnement adéquat et un soutien indéfectible pour qu’ils puissent nourrir leur bébé grâce à l’allaitement. 

Remarque :

Nous rappelons, qu’une récente étude (Fischer & al. Nov 2017)  a montré que lorsque le colostrum et le lait sont donnés à leur bébé dans ses 7 premiers jours de vie, les mères se sentent d’avantage soutenues et allaitent plus de deux fois plus souvent et plus longtemps.

Auteur : Laurence GIRARD