Aller au contenu

Pratique récente, le peau à peau immédiat et prolongé d’au moins une heure au moment d’une césarienne, nécessite de nombreuses, et parfois délicates adaptations de pratiques et d’habitudes pour les équipes de maternité, de bloc opératoire et d’anesthésie réanimation.

Dans une étude, intitulée « A qui appartient le bébé ? » utilisant une méthodologie video-ethnographique , parue en décembre 2018, Jeni Stevens & colleagues, ont exploré les pratiques pour en comprendre les freins ou les facilitateurs au contact peau à peau entre le bébé et sa mère dans les deux premières heures suivant une césarienne.

Stevens et al. mettent en évidence une vision différente des professionnels suivants qu’ils appartiennent à l’équipe obstétricale, celle des sages-femmes ou à l’équipe d’anesthésie, concernant les priorités au cours de la césarienne et la gestion du peau à peau avec son bébé; chacun poursuivant un objectif qui lui est propre. Il apparait donc nécessaire de pouvoir rediscuter de façon transversale, entre chaque spécialité, pour définir l’objectif poursuivi au moment de la césarienne et définir des pratiques communes permettant la mise en oeuvre du peau à peau depuis la salle de césarienne jusqu’en salle de réveil. Pourquoi ?

Parce que le peau à peau présente pour la mère et son bébé présentent des bénéfices de mieux en mieux démontrés. Quelques exemples tirés d’études récentes :

Pour le confort et la santé de la mère 

Wagner D. & al. 2018

Dans une étude retrospective de dossiers médicaux, Debra Wagner & colleagues, une équipe pluridisciplinaire de Floride – USA, fait le constat suivant : au cours de la période immédiate après la césarienne, quand les mères n’ont pas leur bébé en peau à peau, elles se plaignent de compressions dans les épaules et la poitrine. Après la césarienne, les mères reçoivent des produits anesthésiants ( fentanyl) et anxiolytiques (Midazolam) pour les aider à surmonter la période post-opératoire. Ces médicaments peuvent entrainer de la somnolence et soulager la douleur et l’anxiété mais également avoir un effet amnésiant. Ce qui entraine chez certaines femmes une frustration importante vis à vis de la naissance par césarienne.

Par contre les femmes qui font l’expérience d’avoir leur bébé contre elles en peau à peau, semblent éprouver moins de douleur et d’anxiété (Sundin & Mazac 2015). L’attention de la femme détournée vers son bébé pourrait-elle suffire à diminuer le besoin de médicaments opiacés et de benzodiazépines ? Jusqu’à présent, cette association n’avait pas encore été mesurée, et cette étude le fait sur dossiers médicaux de façon retrospective, au sein d’un hôpital du sud-est de la Floride réalisant 1450 naissances annuelles, où le taux de césarienne atteint 35%. Les 199 mères étudiées étaient au moins âgées de 18 ans, médicalement stables ( TA systolique < 85 mmHg, Sa02 > 92% et FC comprise entre 51 et 119 but/min) ayant donné naissance à des nouveau-nés de plus de 37 SA et de moins de 42 SA, médicalement stables également, présentant un Apgar > ou égal à 7. 99 mères n’avaient pas pratiqué le peau à peau et 100 mères l’avaient pratiqué.

L’administration d’analgésiques/anxiolytiques a été classée de façon binaire : administré ou non administré. La proportion de femmes ayant reçu ou non des médicaments a été modélisée comme suit, en salle d’opération : 

  • 17,5% des femmes sans contact peau à peau avec leur bébé 
  • 8,5 % des femmes ayant eu un contact peau à peau avec leur bébé
  • Les femmes sans peau à peau avec leur bébé en salle de césarienne recevaient 2,29 fois plus souvent des médicaments analgésiques/ anxiolytiques que celles effectuant du peau à peau (p=0,074)

 

Pour la santé du bébé 

Schneider & al. 2017

Au travers d’une étude rétrospective de dossiers, cette équipe d’un hôpital du sud-ouest des USA, labellisé IHAB et réalisant 2000 naissances par an, a mis en evidence que le nombre de bébés transférés en soins néonatals suivant une césarienne était passé de 5,6% à 1,75% après l’implantation du peau à peau en salle de césarienne. Les bébés décompensaient moins souvent, notamment sur le plan de l’adaptation cardia-respiratoire à la vie extra-utérine. 

Pour la santé de la mère & celle de son bébé : l’allaitement 

Wagner D. & al. 2018

Sur la base d’une étude retrospective des dossiers médicaux, menée dans un hôpital de Floride réalisant 1450 naissances annuelles, il a été montré que :

  • Les femmes qui expérimentaient le peau à peau en salle de césarienne initiaient 9,4 fois plus souvent l’allaitement maternel avec leur bébé que les autres.
  • Les femmes qui expérimentaient le peau à peau en salle de césarienne allaitaient exclusivement leur bébé 3,25 fois plus souvent que les autres femmes.

Guala & al. 2017

Dans cette étude menée dans un hôpital IHAB de Toscane en Italie, 252 couples ont été enrôlés dans l’étude. Après une information éclairée sur les bénéfices du contact peau à peau à la naissance avec la mère, les femmes et leur compagnon ont choisi :

  • peau à peau en salle de césarienne avec la maman (57,5%)
  • peau à peau en salle de césarienne avec le papa (17,5%)
  • en cas d’impossibilité médicale pour la maman de procéder au peau à peau, le papa préférait lui laisser la primeure et ne réalisait pas de contact peau à peau avec le bébé (25%)

La durée et l’exclusivité de l’allaitement ont ensuite été analysées au moment de la sortie, à 3 mois et à 6 mois :

Donc on résume,

La mise en place du peau à peau précoce (dans les 5 premières minutes de vie) depuis la salle de césarienne, pour une durée de 1 heure, sans interruption, est une pratique difficile à mettre en place et qui nécessite aux différents professionnels de se coordonner, et cela est d’autant plus difficile que la suractivité et le manque de moyens humains se fait sentir… Mais cette pratique a des bénéfices certains pour la mère et son bébé, ce qui devrait nous pousser à  réfléchir à sa mise en oeuvre de plus en plus fréquemment.

Auteur : Laurence GIRARD