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Le 2 juillet dernier, nous avons adressé un courrier à Monsieur Ali Rebeihi, producteur et animateur de l’émission « Grand Bien vous fasse » sur France INTER, sans toutefois recevoir de réponse, à ce jour. Nous ouvrons cette lettre à tous, afin que chacun puisse accéder aux arguments scientifiques opposables aux déclarations faites au cours de cette émission, dont les circonstances sont reprises dans la lettre suivante :

« Cher Monsieur,

A l’écoute de votre émission « Grand bien vous fasse » du lundi 24 juin 2019, intitulée « L’assiette du cerveau », notre équipe a été fort surprise par la réponse faite à une auditrice « Christine », par le Docteur Guillaume Fond. 

Cette première question des auditeurs, survenant dans la 7ème minute de l’émission, était ainsi posée : « Quels sont les avantages nutritionnels pour le cerveau du nourrisson allaité par la mère par rapport aux bébés nourris au biberon par du lait maternisé de vache ? ».

Le Docteur Fond a déclaré ne pas pouvoir répondre à cette auditrice en ces termes : « J’ai revu la littérature récemment. Il n’y aucune étude qui a comparé directement l’allaitement au sein à l’allaitement par des produits industriels. Donc on a pas de réponse sur cette question. Par contre ce qu’on peut dire c’est que les produits industriels veillent de plus à plus à contenir des facteurs nutritifs qui sont nécessaires au développement du cerveau. Donc s’il y a une différence, en tout cas, elle se réduit de plus en plus ».

Voici des exemples de publications qui montrent un bénéfice à être nourri avec du lait maternel humain pour le développement du cerveau, comparativement à des « produits industriels », même de conception récente :

Dans une étude menée aux USA et parue en 2018, incluant des chercheurs d’une marque renommée de produits industriels – laits destinés à des nouveau-né, les auteurs ont souhaité déterminer l’effet du lait maternel humain sur le développement et la myélinisation du cerveau d’enfants allaités au moins 3 mois par leur mère, en les comparant avec ceux d’enfants nourris avec des préparations industrielles, certaines étant enrichies en acides gras poly-insaturés et autres facteurs présents dans le lait maternel (fer, choline, acide folique, sphyngomyéline). L’étude a porté sur 150 enfants, au développement normal, âgés de 3 mois à 9 ans. Les auteurs ont procédé à 452 explorations par résonance électro-magnétique. Les résultats montrent sans ambiguïté que les enfants allaités par leur mère présentaient un développement cérébral supérieur avec une myélinisation accrue et de meilleure qualité, comparés à ceux nourris avec des préparations industrielles, même enrichies de certains des composants du lait humain. Les auteurs ont tenu compte d’un grand nombre de variables confondantes comme le niveau socio-économique des familles et conclu que la durée de allaitement maternel exclusif a un impact durable sur le développement cérébral et cognitif, tout au long de l’enfance.

Deoni S. & al. Early Nutrition Influences Developmental Myelination and Cognition in Infants and Young ChildrenNeuroimage. 2018 Sep;178:649-659.

Dans une étude menée en Italie et parue en 2015, sur 361 enfants prématurés, leur développement cognitif et général a été évalué à l’âge corrigé de 24 mois – deux ans : leur quotient de développement était d’autant plus élevé qu’ils étaient exclusivement allaités lors de leur sortie de l’hôpital – en tenant compte de tous les biais, y compris le niveau socio-économique des parents et l’histoire médicale des enfants – comparés à ceux qui n’étaient que partiellement nourris avec du lait de leur mère. Ceux qui présentaient les résultats les moins élevés étaient ceux exclusivement nourris avec des préparations pour nourrissons industrielles au moment de leur sortie de l’hôpital.

Gibertoni D.  & al. Positive Effect of Human Milk Feeding during NICU Hospitalization on 24 Month Neurodevelopment of Very Low Birth Weight Infants: An Italian Cohort Study PLoS ONE 10(1): e0116552. Janv. 2015 open access

Dans une étude française (Cohorte EPIPAGE), parue en 2012, menée sur 2965 enfants prématurés nés avant 33 semaines de grossesse, les auteurs ont pu montré que leur score de développement mental était d’autant plus élevé que les enfants bénéficiaient d’un allaitement maternel exclusif persistant après leur sortie d’hospitalisation. Ces meilleurs résultats cognitifs étaient d’autant plus surprenants que les enfants exclusivement allaités avaient présenté une croissance pondérale précoce moindre que ceux nourris avec des préparations industrielles. Ce paradoxe, nommé « paradoxe de l’allaitement maternel » par les auteurs, met en évidence que croissance somatique et développement cérébral poursuivent deux logiques différentes, et établit la supériorité du lait maternel pour le développement cérébral et les fonctions cognitives sur les préparations industrielles mêmes enrichies et destinées aux enfants vulnérables, tels que les prématurés. 

Rozé JC. & al. The apparent breastfeeding paradox in very preterm infants : relationship between breast feeding, early weight gain and neurodevelopement based on results from two cohorts, EPIPAGE and LIFT. BMJ Open 2012 ;2 e000834 open access

Dans une étude américaine de 2007, comparant le développement cognitif de 773 enfants prématurés à l’âge corrigé de 18 et 30 mois, et en tenant compte de la quantité de lait de leur mère reçue au cours de leur hospitalisation en néonatalogie, l’auteur a pu établir un effet dose en faveur de l’alimentation au lait maternel : plus les enfants avaient consommé du lait maternel au cours de leur hospitalisation, meilleurs étaient leurs résultats cognitifs à 18 et 30 mois, en comparaison avec une alimentation industrielle.

Vohr B.  & al. Persistent Beneficial Effects of Breast Milk Ingestedin the Neonatal Intensive Care Unit on Outcomes of Extremely Low Birth Weight Infants at 30 Months of Age PEDIATRICS Volume 120, Number 4, October 2007

De plus, dans une revue systématique de la littérature, datée de 2017, sur le thème de l’impact de l’alimentation au lait maternel sur le développement des fonctions cognitives, les auteurs ont retenu 14 études sur le sujet. Il a été ainsi établi que le lait humain contient des précurseurs des acides gras poly-insaturés à très longue chaine ( n-3 et n-6), reconnus pour jouer un rôle important dans la neurogénése. Les études montrent, selon les auteurs, que de nombreuses preuves existent sur les effets bénéfiques du lait maternel sur le cerveau, sur le système visuel, et sur le développement cognitif jusqu’à l’adolescence. Il a été établi un effet dose : la quantité de lait maternel reçue par les enfants est prédictive de leurs résultats cognitifs. Le lait maternel est toujours comparé dans ces études à l’alimentation industrielle.

Lechner B & Vohr, B.Neurodevelopmental Outcomes of Preterm Infants Fed Human Milk. A Systematic Review. Clinics in perinatology 2017 Mar;44(1):69-83. 

Nous tenons aussi à porter à votre connaissance que l’Organisation Mondiale pour la Santé – OMS – recommande le terme de « substitut du lait maternel », pour parler de l’alimentation industrielle destinée aux nourrissons en remplacement du lait de la mère.

Nous souhaitons que vous puissiez rétablir la réalité scientifique auprès de vos auditeurs de l’émission de lundi 24 juin, afin qu’ils puissent continuer à se faire « grand bien » ! Nous espérons avoir pu vous y aider, au moins en partie. 

Au nom des Formations Co-naitre®,

Véronique Beyer, Alice Bocognano, Anne-Marie Costiou, Nicole Dematteis, Geneviève Fancello, Laurence Girard, Mariella Landais, Bernadette Lavollay, Sophie Legouais, Marie-Claude Marchand, Marie-Ange Marguet, Céline Riazuelo, Laurence Villedieu »