Pendant le déroulement du travail et de l’accouchement, un des diagnostics les plus courants est la « stagnation » quand bien même il n’existe pas de consensus sur la définition d’un travail trop lent. Ce diagnostic est à l’origine de cascades d’interventions (rupture artificielle des membranes et administration d’ocytocine par exemple) qui comportent un risque de complications fœtales et maternelles et ne permettent pas de diminution significative du taux de césarienne.
En Australie, une femme sur 3 présentant un début de travail spontané est concernée par cette médicalisation de l’accouchement.
Concernant le ralentissement du travail, les arrêts, les pauses, les inversions cervicales classiquement interprétés comme pathologiques, un grand nombre de preuves convergent actuellement suggérant qu’il peut s’agir de pauses physiologiques. Elles pourraient être associées à des mécanismes essentiels d’autorégulation de la dyade mère-enfant.
Une meilleure compréhension de ces pauses permettrait une diminution de la médicalisation de l’accouchement.
Cette étude menée auprès de 20 sages-femmes australiennes met en évidence deux approches du travail et de l’accouchement :
- une approche médicale basée sur l’attente d’un progrès continu du travail et dans laquelle l’existence de pauses est automatiquement interprétée comme pathologique. Cela suppose une surveillance régulière de la progression du travail (TV réguliers)
- une approche holistique qui reconnaît que le travail et l’accouchement sont des processus physiologiques et interprète les pauses comme des éléments d’autorégulation entraînant une bonne évolution de l’accouchement pour la mère et l’enfant. Ce paradigme se base sur 3 convictions fondamentales : la confiance, l’individualité et l’imprévisibilité. Il suppose de savoir quand intervenir en se posant régulièrement ces deux questions : la mère est-elle en sécurité? L’enfant est-il en sécurité?
Cet article rapporte aussi que naviguer entre ces deux philosophies est parfois un problème qui amène certaines sages-femmes à utiliser des stratégies d’adaptation (contrôle des informations concernant l’évolution du travail) dans le but de protéger les femmes des pressions et interventions médicales paraissant injustifiées.
Une nouvelle définition des pauses physiologiques pendant le travail est suggérée :
- Une pause physiologique lors de l’accouchement est un ralentissement ou une pause temporaire d’un ou plusieurs processus physiologiques du travail (tels que les contractions utérines, la dilatation du col, le positionnement du fœtus) en l’absence de signes de pathologie.
- Les plateaux physiologiques peuvent survenir de manière unique ou répétée tout au long du continuum du travail et de l’accouchement.
- L’étiologie principale des pauses physiologiques semble être une autorégulation de la dyade mère-bébé, où les pauses permettent des processus adaptatifs et réparateurs (tels que le repositionnement fœtal, les périodes de repos).
La prise en compte de cette nouvelle définition implique un re-questionnement de la « normalité » physiologique en matière d’évolution du travail et la mise en évidence de sa très grande variabilité. Elle incite également à engager la réflexion vers une approche globale de l’accouchement en trois axes : maternel, fœtal et environnemental.
Marina Weckend et al., Women and Birth, Volume 32, Issue 1, February 2024, Pages 229-239