The Lancet a publié en mai 2024 une étude française menée sous la direction de Flora Blangis (sage-femme, épidémiologiste) dont l’objectif a été d’identifier les facteurs maternels, prénataux et postnataux associés à une maltraitance physique infantile précoce (MPI), c’est-à-dire avant l’âge d’un an de l’enfant.
« La maltraitance physique infantile est définie comme l’usage intentionnel de la force physique envers un enfant, notamment le fait de le frapper, l’étouffer ou encore le secouer. « L’incidence maximale de maltraitance précoce survient entre l’âge de 1 et 7 mois », Une MPI précoce est associée à une morbidité et une mortalité importantes et est responsable de conséquences à long terme, notamment des troubles du développement neurologique, des troubles mentaux et des maladies somatiques ». (https://www.aphp.fr/actualite/identification-des-facteurs-de-risque-de-la-maltraitance-physique-infantile-precoce)
Cette étude de cohorte à l’échelle de la France et des territoires français analyse les données du registre national Mère-Enfant EPI-MERES [construit à partir du Système national des données de santé » (SNDS) ] incluant les nourrissons nés en France entre 2010 et 2019 et ayant pour lesquels un diagnostic hospitalier de maltraitance est retrouvé.
Parmi les 6 897 384 nourrissons inclus, pour 2 994 (40/100 000) un diagnostic de MPI est retrouvé à un âge médian de 4 mois.
L’étude vise à définir les facteurs associés à la maltraitance, mais n’établit pas un lien de causalité entre la mère et les violences subies par l’enfant. Ces dernières peuvent être le fait d’un tiers ou du père. Identifier les facteurs de risque de la MPI peut permettre de comprendre les mécanismes et de développer des programmes de prévention efficaces.
Les facteurs les plus fortement associés à la MPI précoce étaient:
Les Inégalités économiques et sociogéographiques
- faibles ressources financières (hazard ratio ajusté * (aHr) 1,91 ; [1,67-2,18], avec des disparités géographiques
La vulnérabilité maternelle]
- l’âge maternel inférieur à 20 ans contre 35-40 ans aHR 7,06 ; [6,00-8,31] en d’autres termes, lorsque la mère est âgée de moins de 20 ans, il y a 7 fois plus de risque de MPI que quand elle est âgée de 35 40 ans
- être victime de violence conjugale aHR 3,33 ; [2,76-4,01] dans l’année précédant la grossesse à l’année suivant l’accouchement
- la consommation d’opioïdes aHR 1,90 ; [1,41-2,56], dans les 5 ans précédant l’accouchement
- une hospitalisation en psychiatrie dans l’année précédant la grossesse (aHR 1,50 ; [1,14-1,97) et l’année suivant la naissance aHR 1,88 ; [1,49-2,36], « L’association entre la MPI précoce et les troubles mentaux maternels a également été confirmée. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer le rôle potentiel des médicaments psychotropes sur le comportement postnatal »,
- la consommation d’alcool aHR 1,85 ; [1,48-2,31],
- une pathologie somatique chronique entre l’année précédant la grossesse et la première année postnatale aHR 1,55 ; [1,32-1,83].
- une pathologie mentale chronique ou à l’hospitalisation pour un trouble mental entre l’année précédant la grossesse et la première année postnatale aHR 1,50 ; 1,14-1,97] et aHR 1,88 ; [1,49-2,36] respectivement
Les facteurs liés au lien parent-enfant et aux caractéristiques du nourrisson
- un diagnostic de trouble neurocognitif chronique sévère chez le nourrisson aHR [14,37 ; 11,85-17,44]. Les auteurs de l’étude avancent que les hospitalisations à répétition peuvent être une source de plus grand stress.
- une grande prématurité (inférieur à 32 SA) (aHR 2,15 ; 1,68-2,75]
Faute de données, les facteurs paternels et la relation de causalité entre les facteurs identifiés et la MPI n’ont pas été explorés.
La force de l’étude est sa puissance statistique incluant près de 3 000 cas permettant d’étudier simultanément un large éventail de facteurs socio-économiques et médicaux maternels, prénataux et postnatals.
Plusieurs limites sont repérées. La confusion résiduelle des covariables est non mesurée, en particulier celles liées au statut socio-économique (niveau de scolarité et profession), à la vulnérabilité maternelle (prise de rendez-vous tardive pour le suivi de grossesse et déni de grossesse) et au fait que des facteurs paternels peuvent survenir.
Cette étude renforce l’hypothèse que la maltraitance physique infantile précoce est multifactorielle et nécessite des interventions multidimensionnelles fondées sur des modèles socio-écologiques.