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Gilley et McLeish, dans leurs publications récentes, ont étudiés les conséquences sur l’allaitement maternel de l’hospitalisation d’un bébé . Après une description des obstacles à la poursuite de l’allaitement pour les mères et une analyse qualitative de ce qui les soutient, ils proposent des axes d’interventions favorables à l’allaitement maternel en milieu hospitalier.
 

Allaitement et réhospitalisation des nourrissons (Gilley) 

            Malgré les preuves solides en faveur de l’allaitement maternel, le taux d’allaitement exclusif à 6 mois aux États-Unis est inférieur à 25 %. De nombreux obstacles empêchent les femmes de continuer à allaiter leurs nourrissons. Parmi ceux-ci figurent la croyance que le lait artificiel est une alternative équivalente. La douleur, la perception d’une faible production de lait, le manque de soutien et l’absence de congé parental rémunéré participent également à cette croyance.

Lors d’une hospitalisation pédiatrique, de nombreux autres obstacles entravent la poursuite de l’allaitement maternel :

1. L’enfant peut être empêché de manger pour des raisons médicales, temporairement incapable de téter directement au sein,

2. Du côté des parents, l’hospitalisation est susceptible d’engendrer du stress, d’empêcher un sommeil suffisant, de compromettre l’intimité et la proximité avec le bébé pour des obligations personnelles, des contraintes architecturales ou un manque d’hébergement à l’hôpital,

3. Les hôpitaux interfèrent aussi par manque de politiques formalisées concernant l’accueil de l’enfant allaité pour :

  • la conservation et le circuit du lait maternel,
  • la fourniture de tire-lait électrique,
  • le soutien à l’allaitement par le personnel non qualifié qui peut décourager la mère en fournissant du lait artificiel.

            Combinées, toutes ces difficultés  diminuent la production de lait, exacerbent les insécurités en réduisant encore davantage les taux d’allaitement maternel. Les études documentant les effets de la réhospitalisation sur les taux d’allaitement sont limitées (deux avec petits effectifs). Le manque de soutien du personnel hospitalier a été cité comme le principal facteur contribuant aux effets indésirables sur l’allaitement. Les résultats cumulatifs de la recherche indiquent que les encouragements du personnel médical et les politiques hospitalières de soutien aident  à prévenir l’arrêt précoce de l’allaitement en raison d’une admission à l’hôpital.

Les auteurs, à partir de ces résultats, de leurs expériences cliniques et des ressources de l’ABM et de l’AAP, proposent des axes d’interventions pour soutenir l’allaitement maternel en cas d’hospitalisation :

  1. Elaborer et maintenir une politique de service favorable à l’allaitement en pédiatrie : circuit du lait, formation des personnels, information et soutien des familles, réduire l’utilisation des substituts du lait maternel en priorisant le lait de la mère,
  1. Réduire les obstacles pour la mère : consultation précoce avec un professionnel formé à l’allaitement, tire-lait de qualité hospitalière, chambre mère-enfant,
  1. Favoriser les tétées directes aux seins, réduire le jeune pré-opératoire (3h-4h max) pour les nourrissons allaités exclusivement, fournir les repas aux mères,
  1. Améliorer la recherche scientifique par le recueil des données (taux allaitement avant/après), même pour des situations médicales complexes ; recueillir  l’avis et le vécu des familles par questionnaires ; mettre en œuvre et publier les résultats d’initiatives d’amélioration visant à réduire l’ensemble des obstacles cités.

Expérience des mères de grands prématurés : ce qui les soutient dans leur projet d’allaitement (McLeish)

            Cette étude a exploré les expériences des mères sur la façon dont l’allaitement maternel des bébés très prématurés peut être soutenue par le personnel et l’organisation architecturale d’une unité néonatale. Les mères qui ont réussi à exprimer leur lait décrivent cela comme important pour leur confiance, pour surmonter leur sentiment de culpabilité face à l’échec de leur corps et pour le développement de leur rôle maternel.  Mais l’expression du lait est également vécue comme une obligation épuisante et stressante et, si elle échoue, cela peut déclencher des sentiments accrus de culpabilité et de honte.

            Cette étude qualitative est basée sur des entretiens de mères de bébés très prématurés, dans quatre unités néonatales en Angleterre avec des taux très variables d’alimentation au lait maternel à la sortie. Les entretiens qualitatifs ont été analysés selon le model COM-B * pour analyser les expériences des mères et explorer les interrelations entre les capacités, les opportunités, la motivation, le comportement des mères, à travers différents points temporels du parcours d’allaitement maternel dans l’unité néonatale.

*La compréhension des facteurs affectant le comportement offre une base pour concevoir des interventions efficaces visant à modifier les comportements. Le modèle COM-B est un cadre pour comprendre le changement de comportement, basé sur l’idée que tout comportement (B) nécessite trois facteurs interdépendants : la capacité (C), l’opportunité (O) et la motivation (M).

La motivation des mères dans la situation traumatisante d’un accouchement très prématuré a été fortement influencée  par :

  • Les informations fournies par le personnel sur les avantages du lait maternel pour leur bébé en période anténatale ou post-partum,
  •  L’importance d’une expression précoce et fréquente du lait,
  • L’apprentissage de l’efficacité des tétées aux seins.

Les mères ont poursuivi l’allaitement grâce à des commentaires positifs sur leurs efforts ce qui a renforcé leur confiance et les a rassurées sur la croissance « normale » lorsqu’un bébé commence l’allaitement direct au sein.

La motivation  des mères est soutenue pendant l’hospitalisation par :

  • L’accès à un tire-lait de qualité hospitalière,
  • Des locaux permettant de rester à proximité de l’unité néonatale,
  • Les informations et un soutien proactif et compétent de la part du personnel,
  • La prise en compte de leur situation, du stress et du traumatisme de cette naissance,

Dans cette étude, le soutien et les installations  variaient d’une unité à l’autre, et certaines mères n’ont pas reçues les informations nécessaires ou ont vu leur motivation sapée par les commentaires du personnel.

            Les auteurs concluent que les interventions visant à accroître l’allaitement maternel chez les grands prématurés devraient tenir compte de la motivation, des capacités et des opportunités des mères, dans le but d’éliminer systématiquement les obstacles du milieu hospitalier. Les mères apprécient un soutien spécialisé, personnalisé et qualifié, mais ont également besoin que d’autres membres du personnel soient en mesure de donner des informations cohérentes et une affirmation axée sur leurs efforts plutôt que sur leurs réussites, avec une approche tenant compte des traumatismes. Investir dans des installations de cohabitation qui minimisent la séparation des mères et des bébés est susceptible de surmonter un obstacle majeur dans ces situations particulières.

Gilley SP, Bunik M; Breastfeeding for the Re-Hospitalized Infant. Hosp Pediatr January 2025

McLeish et al. What supports mothers of very preterm babies to start and continue breast milk feeding neonatal units? A qualitative COM B analysis of mothers’ experiences. BMC PC 2024 – https://doi.org/10.1186/s12884-024-06910-4

Rédaction : Groupe Actus Co-naitre®